Publié le 16 Jun 2022 - 18:17
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

Le report ou le chaos !

 

En refusant de se soumettre à la décision du Conseil constitutionnel qui n’est pas susceptible de recours, l’opposition ouvre une brèche pour un possible report des élections et la prolongation de fait de la majorité présidentielle. Certains pensent toutefois qu’il est encore possible de sauver la face, en enterrant la décision du Conseil constitutionnel.  

 

Jour après jour, le Sénégal avance vers le gouffre. Avec des acteurs politiciens qui ne semblent mus que par leurs intérêts individuels et égoïstes, après avoir été coupables de ‘’légèretés flagrantes’’ dans la confection de leurs listes. Coordonnateur des non-alignés, membre du Dialogue politique, Déthié Faye tient à souligner cette évidence. Il peste : ‘’Dans tous les cas de figure, personne ne pourra disculper les acteurs politiques qui ont commis des erreurs sur leurs listes et qui nous ont menés dans cette situation d’impasse. Ça, il faut bien le souligner. En réalité, ce n’est pas le Conseil constitutionnel qui est à l’origine de cette situation, comme certains veuillent nous le faire croire. Ce sont les mandataires qui ont fait preuve de graves légèretés, d’amateurisme et de calculs politiciens. C’est très facile de vouloir tout rejeter sur le Conseil constitutionnel, pour embarquer l’opinion dans la bataille’’.

Cela dit, l’ancien membre de Yewwi Askan Wi estime qu’on a aujourd’hui atteint un point de non-retour. Celui qui préconisait le respect de la décision de justice a un peu évolué dans sa position, mais sans beaucoup d’espoir. Pour lui, les options ne sont pas non plus nombreuses. ‘’Soit on se soumet à la décision du Conseil constitutionnel, soit c’est le report. Il n’y a pas d’autre alternative, à mon avis. Personnellement, compte tenu de la tournure des événements et du fait qu’une bonne frange de l’opinion trouve que cette décision du Conseil constitutionnel n’est pas conforme à la justice, je pense que le report peut être un moyen de sortir de cet imbroglio. Mais il faut reconnaitre que c’est très difficile, avec ce niveau d’escalade’’.

Pour sa part, Alioune Tine estime que le report n’est pas la seule solution. Il faut plutôt s’assoir autour d’une table et dialoguer, pour sauver ce qui peut encore l’être. ‘’C’est la seule issue que j’entrevois, insiste-t-il. Il faut se concerter pour trouver une solution politique consensuelle, acceptable pour tous. Ce qu’il faut corriger, c’est des détails qu’on peut régler sans arriver au report. Je le répète afin que nul n’en ignore. Nous ne sommes pas à l’abri de ce qui se passe ailleurs. Au Mali, des élections législatives contestées ont abouti à l’effondrement de la Cour constitutionnelle, de l’Assemblée nationale et au coup d’État militaire. On n’est jamais à l’abri. Il faut discuter pendant qu’il est encore temps’’.

Quoi qu’il en soit, c’est l’État de droit et la démocratie sénégalaise qui risquent d’en pâtir, quelle que soit la solution trouvée. Si continuer le processus comme si de rien n’était ouvre la voie à un avenir sombre aux conséquences incertaines, accepter ou reporter les élections constituerait une prime à la rébellion contre les décisions de justice. Ce qui serait un sacré coup, à la suite des événements de mars 2021. Mais la paix et la stabilité en valent le coût, selon nos interlocuteurs. Alioune Tine : ‘’Quand l’application du droit peut aboutir à des tensions, à des conflits et à l’effondrement des institutions, il faut dialoguer pour changer les choses. Les logiques et enjeux dépassent les élections législatives.’’

Comment en est-on arrivé là ? Il faut souligner qu’au Sénégal, la soumission des hommes politiques à la loi, majorité comme opposition, est très aléatoire. La plupart pensent en démocrates, mais agissent tous les jours en véritables dictateurs ou anarchistes. Pour Déthié Faye, il faut regretter cette propension des acteurs politiques à ne pas se conformer aux décisions de justice, nationales comme internationales. Rappelant que l’État a été le premier à violer la décision d’une haute juridiction, la Cour de justice de la CEDEAO, il fulmine : ‘’Le problème fondamental, c’est que les gens défendent toujours, contre vents et marées, leur chapelle. Voilà pourquoi ils perdent toute objectivité. Pour eux, seul ce qui est conforme à leurs convictions est juste. Et c’est une grande faiblesse.’’

Revenant sur les griefs contre les sept sages, le non-aligné précise : ‘’Je comprends certes les reproches. Mais il faut reconnaitre que le Conseil constitutionnel avait une question difficile. Soit les juges pensent que la liste est une et indivisible, alors la solution, c’est l’irrecevabilité pour les deux coalitions. Aucune ne va participer. Soit ils considèrent que l’une peut aller sans l’autre et que la non-conformité de l’une n’entraine pas celle de l’autre, pour couper la poire en deux. Heureusement pour les deux coalitions, le conseil, peut-être pour ne pas en arriver à cette solution extrême, a préféré cette interprétation de la loi qui fait l’objet de beaucoup de controverses, en s’appuyant sur certaines dispositions comme l’article L173 qui parle de listes au pluriel. C’est ça aussi la réalité.’’

En définitive, on est dans une situation où les seules options qui se présentent, comme le suggère le coordonnateur des non-alignés, c’est soit le report, soit le respect de la décision du Conseil constitutionnel. Et si l’on se fie aux différentes sorties de l’opposition, il est hors de question d’aller aux Législatives en l’état. Ce qui laisse présager, pour beaucoup, un choix pour le report.

Mais à qui profite le report ? Pour Déthié Faye, ‘’cela va profiter à tout le monde. Car, il aurait permis de faire baisser la tension à zéro’’.

MOR AMAR

Section: