Publié le 30 Dec 2014 - 11:12
FESTIVAL INTERNATIONAL DE THILOGNE

Plaidoyer pour le patrimoine culturel du Fouta

 

Le festival international Développement et de Culture de Thilogne a servi de tribune ce week-end pour revisiter et mettre en valeur le patrimoine culturel du Fouta menacé par la mondialisation. 

 

Pour ce 2ème jour de festivités, le stade municipal de Thilogne est archicomble. Jeunes et adultes parés de leurs plus beaux habits sont venus nombreux chanter et danser sous le rythme des mélodies traditionnelles peulh. Le programme de cet après-midi offre l’occasion aux différentes troupes traditionnelles de la localité de revisiter le patrimoine culturel du Fouta. Peu mis en valeur de nos jours, ce riche héritage ancestral est de plus en plus délaissé par la jeune génération. Pour ce grand rendez-vous biennal, aucune secte n’est exclue. Caydè, Naalè  Lawbè, Awluubè...etc. munis de leurs instruments traditionnels ont tous répondu présent pour les prestations traditionnelles. A même le sol, chaque groupe a exposé des objets artisanaux en fonction de ses propres identités culturelles.

Devant l’une de ces nombreuses expositions, composée de canaris multicolores, fils de coton et autres accessoires pour tisser, plusieurs femmes ornées de parures chantent le ‘’lingu’’. Cette mélodie des Mabubès est exécutée à l’occasion des mariages. ‘’A travers le ‘’lingu’’, nous chantons les louanges de la future mariée une semaine avant la nuit de noce pour l’encourager dans son prochain ménage. Pendant 8 jours, nous la conseillons aussi, via les chansons, sur la conduite à tenir dans la vie de couple’’, renseigne la plus âgée du groupe, Aïssata Samba Guissé. Et la vieille dame de poursuivre : ‘’L’identité d’une personne, c’est avant tout sa culture. Nous sommes l’épine dorsale et gardienne de la culture.’’

A quelques mètres de cet endroit, une autre troupe de femmes tatouées autour de la bouche et portant des grosses boucles d’oreilles dorées avancent à petits pas mesurés en chantant et dansant le thiaydè, sous le rythme soutenu de claquements des mains. Jadis chanté lors de chaque fête de tabaski, cette danse intéresse de nos jours de moins en moins la jeune génération. Du coup, les aînés s’inquiètent sur son devenir. ‘’Le monde a changé. C’est seulement lors de chaque festival qu’on a l’occasion d’exécuter le thiaydè. Maintenant,  avec la mondialisation, c’est la lutte, les émissions télévisées et internet qui ont pris le dessus.  Les filles ne maîtrisent plus les chansons que nous leur apprenons’’, se désole la vieille femme, Torodo Lâ.

Perte de valeurs

Le délaissement culturel ne concerne pas uniquement les chansons des femmes. La pratique de la circoncision a elle aussi perdu de ses valeurs. Parmi les expositions traditionnelles, un petit groupe de personnes attire l’attention du public. Une dizaine de petits garçons vêtus de tuniques blanches assorties de bonnets au bout pointu sont assis côte à côte sur le sol, les pieds allongés. A côté, un vieil homme muni d’un petit bâton surveille attentivement leurs moindres mouvements et gestes. Soudain, les ‘’dioulibès’’ (circoncis) et leur maître entrent en scène dans le grand rectangle formé par les innombrables spectateurs. Un petit défilé pour passer en revue l’héritage transmis de génération en génération.

‘’Les candidats à la circoncision devaient être âgés d’au moins 20 ans. Maintenant, ce sont des gamins qui subissent la circoncision’’, regrette le superviseur des ‘’Dioulibès’’, Amadou Diop. Selon lui, la circoncision était considérée comme l’acte de passage à la vie d’adulte. ‘’Les jeunes circoncis passaient toute la journée dans la forêt pendant une période d’une semaine. Mais de nos jours, ces pratiques n’existent quasiment plus. Les enfants sont circoncis à l’hôpital’’, se désole le vieux Diop. Il poursuit : ‘’Sans tradition, nous ne sommes rien. Nous devons veiller à perpétuer à tout prix nos coutumes et traditions’’.

MAMADOU DIALLO (stagiaire)

 

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