Publié le 1 Jul 2020 - 00:17
GESTION DE LA PANDEMIE DE COVID-19

Macky promet le recrutement de 500 médecins et 1 000 agents de santé

 

Le rythme de contamination progresse encore au Sénégal. Cependant, le pays présente des chiffres satisfaisants, par rapport à l’international, sur la létalité du virus et la guérison des patients contaminés par la Covid-19.  

 

‘’Malgré l’augmentation du nombre de cas positifs, notre système de santé continue de montrer ses capacités de résilience et d’adaptation dans l’accueil et le traitement des malades’’. Par ces mots, le président de la République, Macky Sall, a rappelé, durant son discours d’hier, tout le mérite du personnel de santé qui fait face à la propagation du coronavirus au Sénégal. En statistiques, le travail fourni permet au pays d’afficher, selon le chef de l’Etat, ‘’un taux de létalité de 1,5 % contre une moyenne africaine de 2,5 % et de 5,2 % au niveau mondial, un taux de guérison de 64,8 %, contre une moyenne africaine de 48 % et mondiale de 50 %’’.

Ceci a été possible en appliquant un programme axé sur l’achat massif d’équipements et de produits médicaux ; le relèvement substantiel du plateau sanitaire existant ; l’aménagement et l’équipement de nouvelles structures de traitement des épidémies, soit 33 centres répartis à travers le pays et, enfin, la prise en charge des malades et des personnes confinées. Les résultats ont consacré les bonnes dispositions du Sénégal dans la riposte anti Covid-19, si l’on sait qu’à ce jour, le pays a réalisé plus de 78 338 tests et 24 824 personnes contacts suivies par les services sanitaires. Suffisant pour décrocher les félicitations de la plus haute autorité du pays. ‘’Je tiens, une fois de plus, à exprimer notre gratitude et rendre hommage à notre remarquable corps médical, paramédical et aux personnels de soutien, pour leur compétence, leur engagement et leur disponibilité’’.

Ces performances seront récompensées, promet le président de la République. Car sur la séquence 2020-2021, l’Etat recrutera 500 médecins et 1 000 agents professionnels de la santé, notamment infirmiers et infirmières, sages-femmes ainsi que des personnels de soutien. Et s’agissant des médecins, la priorité sera accordée aux districts éloignés et aux spécialistes. Un clin d’œil au professeur Moussa Seydi, Chef du Service des maladies infectieuses de l’hôpital de Fann, suite à sa sortie de Ziguinchor ?

Dans tous les cas, le président annonce aussi que le gouvernement mettra en place, sur la période 2020-2024, une ambitieuse stratégie de modernisation du secteur de la santé et de l’action sociale, à travers le Plan d’investissement pour un système de santé et d’action sociale résilient et pérenne, dont une composante dédiée à la télésanté. Un plan qui devrait être adopté prochainement, lors d’un conseil présidentiel. Ceci entre dans le cadre du Programme de relance de l’économie nationale post Covid-19, qui soutiendra aussi les initiatives créatives développées dans le cadre de la lutte contre la pandémie et la promotion de l’industrie pharmaceutique nationale.

Le virus continuera de circuler durant les mois à venir 

Seulement, ‘’en dépit de nos performances dans la riposte sanitaire, rappelle avec insistance le président Macky Sall, la lutte contre la pandémie n’est pas encore finie. La maladie est toujours là et toutes les projections montrent que le virus continuera de circuler durant les mois à venir’’. Et la vigilance doit être au maximum dans les régions de Dakar, Diourbel et Thiès où les statistiques montrent que l’on y retrouve les principaux foyers de la pandémie, avec 92 % des cas de contamination. Dans la capitale, le département de Dakar à lui seul totalise 54 % des cas recensés sur l’ensemble du territoire national.

C’est pourquoi, dans ces trois régions, le chef de l’Etat appelle les Sénégalais à redoubler d’efforts dans les attitudes qui empêchent la propagation du virus. ‘’Se laver fréquemment les mains, respecter la distanciation physique, éviter les rassemblements non nécessaires, limiter les déplacements et porter correctement le masque’’.

Si cette dernière mesure est de plus en plus négligée depuis l’assouplissement des mesures restrictives en mai dernier, elle reste plus que jamais obligatoire. Dans la responsabilisation des populations dans la lutte contre la pandémie, le président de la République a décidé de faire du port du masque un acte de civisme et un engagement patriotique vis-à-vis de la nation, puisqu’il est à la fois une mesure de protection de soi-même et de son prochain, dans le front contre ce terrible fléau.

DOCTEUR AMADOU YERI CAMARA, SG SAMES

‘’Ce n’est pas 125 médecins par an qui vont combler le gap’’ 

Le président de la République a pris beaucoup de mesures allant du recrutement de médecins, à la levée du couvre-feu. Mais le secrétaire général du Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes trouve insuffisant le nombre retenu et reste perplexe sur les autres décisions.

L’Etat envisage de recruter 500 médecins et 1 000 agents médicaux sur la séquence 2020-2021. N’est-ce pas une bonne nouvelle pour le système ?

C’est positif de recruter. Mais puisqu’on dit que c’est en 4 ans, cela revient à recruter 125 médecins et 250 agents par an. C’est un recrutement qui est très insuffisant. On espère que le chiffre 500 qui est annoncé pour les 5 ans pourra être mobilisé chaque année. C’est cela qui va permettre d’amoindrir les gaps. On est dans la perspective d’ouvrir de nouveaux hôpitaux qui ont besoin de personnel. Ce n’est pas 125 médecins par an qui vont combler le gap de ces médecins. C’est un premier pas. Mais il faut que l’Etat inscrive ce même nombre chaque année, pas en 4 ans. C’est-à-dire que ce soit 500 médecins par an. Il y a des régions qui n’ont pas de réanimateur, de pédiatre, de neurologue, de neurochirurgien, entre autres. Beaucoup de spécialistes manquent dans les régions. Il y a des postes qui ne sont pas encore doublés. Pour combler cela et aller dans une vision prospective, il faut recruter d’une manière assez large.

Il faut également faire en sorte que les projets après Covid puissent avoir le personnel qui va les mettre en chantier d’une matière adéquate.

Dans ce recrutement, la priorité est donnée aux spécialistes. Est-ce possible, si l’on sait que le déficit réside dans la formation ?

Si la volonté est là, on peut avoir le nombre de spécialistes. Ce qui se passe est que les spécialistes sont laissés à eux-mêmes. Ils payent pour leur formation. Dès qu’ils finissent, on leur demande d’aller servir dans les zones reculées. On oublie que la personne a payé sa formation, on veut l’affecter dans une zone éloignée avec le même salaire qu’un médecin généraliste ou à une différence de 100 mille francs. Ce n’est pas normal et les gens refusent.

Si on veut avoir des spécialistes compétents qui restent pendant assez longtemps dans les hôpitaux publics, il faut qu’on revoie le système de rémunération des agents de la santé de manière globale. Aussi bien l’infirmier, la sage-femme, le pharmacien, le chirurgien-dentiste, l’Etat doit avoir le même traitement pour tout le monde. Il n’y a pas de niche ou de profession qui mérite plus une prise en charge qu’une autre. Pour avoir les meilleures ressources humaines en santé, il faudrait qu’on se donne les moyens de les retenir. Personne ne va accepter de vivre dans une zone éloignée, si elle n’a pas les conditions minimales pour cela.

La réflexion doit être globale et prise en charge d’une manière sérieuse. La santé n’est pas une matière à part, encore moins une matière à prendre à la légère. Déjà, 2020 aura montré l’importance de la santé et de l’éducation. Ce sont des piliers qui, tant qu’on ne les accroît pas, on n’aura pas un développement harmonieux au Sénégal.

Ne pensez-vous pas qu’il faut d’abord régler la question du matériel dans les hôpitaux, surtout au niveau des zones reculées ?

Cela doit être un vieux souvenir, si on est cohérent sur ce qu’on dit. Le plan d’investissement post Covid devrait régler ce problème. Parce que chaque région devrait avoir un hôpital de niveau 3 au moins qui puisse disposer de toutes les spécialités de matériel, de diagnostic nécessaire. On a également la possibilité d’avoir des établissements publics de santé (EPS) de niveau 4. Tout cela est prévu, dès que l’Etat dépasse un peu le choc psychologique de la Covid-19. S’il ne revient pas sur sa parole, on aura de bonnes perspectives.

Mais comme on le sait, au Sénégal, il y a toujours des effets d’annonce. Maintenant, entre les effets d’annonce et la réalité, il y a souvent un gap. C’est pourquoi nous, nous sommes très perplexes par rapport à cela. On espère que la Covid-19 nous aura appris l’importance du secteur de la santé. Parce que si on a eu ces importants résultats, comparés à des pays très développés, nous le devons aux ressources humaines qui se sont démenés, infectés, guéris et qui ont continué à travailler. On ne peut que leur tirer le chapeau.

Le président a levé l’état d’urgence et le couvre-feu. Comment appréhendez-vous cette décision ?

C’est bien qu’on lève le couvre-feu, parce qu’il n’avait plus de sens. Les gens se rassemblent la journée alors qu’ils sont plus à risque. Ils se déplacent pendant le jour. A 23 h, il y a peu de personnes qui se déplacent. Donc, cela n’avait plus aucun sens de maintenir le couvre-feu. Il y a eu beaucoup de faux départs. Déjà, le fait qu’on dise qu’il faut vivre avec le virus, d’une manière assez lapidaire, c’est ce qui a découragé les populations. Elles se sont dit que l’Etat est passé à autre chose. Les gens l’ont interprété d’une manière très négative. En plus, ils ont ramené le couvre-feu de 20 h à 23 h, cela n’a pas de sens. Malheureusement, la situation s’accroit, les gens continuent de mourir. Il y a un moment mathématique : plus il y a de cas, plus les gens vont mourir. Il y aura des cas graves qui décèdent.

C’est un risque qu’on fait courir à tout un chacun. Ce qui est important, parce qu’il a essayé de corriger, c’est le port des masques, le respect de la distanciation. Mais cela ne suffit pas. Il faudrait qu’il donne des instructions fermes aux forces de défense et de sécurité. Parce qu’il n’est pas rare d’entrer dans des boutiques, marchés et de voir que personne ne porte de masque. On doit être aussi farouche pour faire respecter toutes ces mesures. En réalité, si on ne les respecte pas, ce sont nos ainés qui vont mourir.

C’est-à-dire des patients qui ont pris toutes leurs précautions et sont infectés, parce qu’une autre personne n’a pas jugée nécessaire de respecter les mesures. Il est important de rappeler que la maladie est là et que ce ne sont pas des animaux qui meurent chaque jour, mais des personnes. Les gens doivent être conscients de leurs actes. Quand on ne porte pas son masque, on se balade comme on veut, en même temps, on met en danger un innocent.

VIVIANE DIATTAEE

Lamine Diouf

 

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