Publié le 1 Jun 2022 - 20:23
INVESTITURES BBY

Des choix énigmatiques !

 

Fidèle à ses habitudes, le président Macky Sall a bien servi ses alliés de Benno Bokk Yaakaar, oublié ceux de Macky 2012 et réservé une part non négligeable à ses thuriféraires de l’Alliance pour la République.

 

C’est une liste qui aura été verrouillée jusqu’au bout. Sa publication, avant-hier, a laissé pantois plusieurs observateurs et membres du parti présidentiel. Les premiers à ruer dans les brancards, c’est, comme d’habitude, des membres de Macky 2012. Dans une tribune intitulée ‘’La trahison de trop’’, la section jeune de cette coalition qui avait porté Macky Sall au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, dénonce et alerte : ‘’Quiconque trahit sa sève nourricière trahira toute personne qui l’aiderait, sans aucune exception. Nous, jeunes de la coalition Macky 2012, marquons notre profonde déception et notre indignation par rapport à ces investitures.’’

À leur avis, la coalition paie ainsi cash le départ de Maitre Moussa Diop qui était jusque-là le seul à se soucier de son sort. Ils pestent : ‘’La conférence des leaders actuelle n’a pas ce leadership éclairé pour faire prévaloir ses droits et ses obligations politiques auprès du président Macky Sall. Nous regrettons l’ancien coordonnateur Me Moussa Diop qui est non seulement une perte énorme pour le président Macky Sall, mais aussi pour toute la coalition.’’

S’il y a des gens qui doivent bien s’estimer heureux de ces investitures, ce sont les autres alliés de Benno Bokk Yaakaar. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président de la République et de la coalition ne les a pas du tout oubliés en confectionnant ses listes. Sur les 10 premiers sur la liste nationale, il y a au moins quatre postes réservés aux alliés. Parmi ces derniers, il y a l’ancien maire de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé (6e place), qui fait son grand come-back, Cheikh Tidiane Gadio (8e), Sokhna Dieng (9e), Aissatou Sow (3e). Nicolas Ndiaye de la LD est seulement à 12e place, Demba Diop à la 14e place.

En sus de ces leaders, on compte, sur les 25 premiers, des alliés comme Seydou Diouf (18e), Cheikh Abdoul Ahad Mbacké (20e), Cheikh Seck (22e), Dr Malick Diop (24e), pour ne citer que les plus connus.

Un choix dans le désordre

Outre les alliés de Macky 2012, les responsables de l’Alliance pour la République ont aussi fait les frais de cette ‘’grande’’ générosité du président de la République. Responsable de l’APR à Rufisque, le député Souleymane Ndoye a été investi à la 30e place. Il relativise et essaie de justifier les choix du président de la République : ‘’Aujourd’hui, il faut qu’on puisse faire preuve d’esprit de dépassement. Faire des investitures dans une coalition aussi grande que Benno Bokk Yaakaar, ce n’est pas du tout évident. C’est pourquoi il faut que les gens essaient de comprendre. Je pense que le plus important, ce n’est pas notre place sur la liste. Même si on n’y figurait pas du tout, on allait se battre pour son triomphe. Aujourd’hui, la seule chose qui compte, c’est la victoire pour éviter une cohabitation lourde de conséquences. Les Locales nous ont montré que la division ne nous réussit pas. Il faut s’unir pour mettre le président dans les conditions de terminer son mandat de la meilleure des manières.’’

C’est dans ce sens, analyse-t-il, qu’il faudra comprendre les choix du président qui tient plus que tout à la stabilité du pays. ‘’Le Sénégal n’a jamais expérimenté une cohabitation. Nous ne sommes pas prêts pour ça. Même les plus grandes démocraties du monde ont des difficultés avec la cohabitation, a fortiori nos pays à construire. La stabilité de cet État, c’est la stabilité de BBY et cela n’a pas de prix. Cela vaut tous les sacrifices et c’est comme ça qu’il faut le comprendre’’, philosophe le député à l’Assemblée nationale et membre du Parlement de la CEDEAO.

Premier vice-président de l’Assemblée nationale, membre influent de l’APR, Abdoul Mbow se contente, lui, d’une 16e place, Djibril War de la 34e place. D’autres membres très influents de l’actuelle législature ont dû se contenter d’une investiture au-delà des 20 premières places. Ils peuvent tout de même s’estimer heureux, comparés à d’autres ténors sans portefeuille dans le gouvernement et qui sont totalement absents des listes, comme le ministre d’État Ismaïla Madior Fall et le frère du président Aliou Sall.

Pendant ce temps, Oumar Youm et Augustin Tine font leur come-back sur les listes départementales de Mbour et de Thiès.

Aminata Touré-Amadou Ba-Diouf Sarr, le trio gagnant ?

À Dakar, le président de la République semble avoir donné un blanc-seing à ses alliés socialistes qui ont su résister au raz-de-marée de Yewwi Askan Wi, lors des dernières élections locales. Outre le ministre de la Pêche et maire de Dakar-Plateau Alioune Ndoye choisi comme tête de liste, il y a les maires de la Médina, Bamba Fall, et de Grand Dakar, Jean-Baptiste Diouf. À Thiès, Idrissa Seck et le Rewmi semblent avoir fait les frais de leur débâcle des Locales. Sur les quatre candidats titulaires investis, ils n’ont pu décrocher qu’une seule place. La liste sera dirigée par l’homme de confiance du président, Augustin Tine.

Au niveau du département de Rufisque, Macky Sall a su récompenser Ndiagne Diop, pour avoir été l’un des rares maires à avoir résisté à Yaw aux dernières élections locales, tandis qu’Assome Diatta a été reconduite à Keur Massar.

Par ailleurs, il convient de noter que dans la prochaine législature, Macky Sall pourra compter sur des ténors de son parti, comme la combattante Aminata Touré, tête de liste, le grand argentier Amadou Ba, un des rares présidentiables de son parti, le politique Abdoulaye Diouf Sarr, dont l’envol a été un peu ralenti, avec les dernières Locales, à cause de la raclée prise à Dakar. Outre ce trio, Macky Sall pourrait aussi compter sur son fidèle lieutenant Mariama Sarr de Kaolack, ainsi que les autres responsables investis au niveau des départements et qui sont actuellement au ‘’chômage’’.

Quel rôle pourrait-il leur confier à l’hémicycle ? Va-t-il les ramener à ses côtés dans le gouvernement et leur imposer de démissionner ? Qui pour diriger la prochaine Assemblée nationale, si jamais BBY remporte la majorité ? Autant de questions sans réponse. Tout comme l’investiture d’Amadou Ba à la deuxième place et non à la première. Certains pourraient y voir une volonté de ne pas griller l’une des rares rescousses qu’il a pour la Présidentielle de 2024.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le tsunami tant craint n’a pas encore eu lieu. Jusque-là, les rares responsables qui osent s’exprimer ont préféré prôner l’union et le rassemblement. 

MOR AMAR

 

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