Allô Milan, bobo
En retard sur le duo de tête Inter-Juve en championnat et quasi-éliminé de la Ligue des champions, le Milan connait un début de saison difficile. Une des pistes pour expliquer cette petite forme est à chercher du côté du Milan Lab, le centre de recherche médical et scientifique, qui serait responsable d'une majeure partie des blessures constatées.
Foto Spada/LaPresse 19 settembre 2023 - Milano , Italia - sport, calcio - Ac Milan vs Newcastle - Champions League 2023/2024 - Stadio San Siro. Nella foto: Ruben Loftus-Cheek (AC Milan); infortunio September 19 , 2023 Milan , Italy - sport, calcio - Ac Milan vs Newcastle Champions League 2023/2024 - San Siro Stadium . In the pic : Ruben Loftus-Cheek (AC Milan); injured - Photo by Icon sport
Le chiffre est glaçant. Depuis le début de saison, ce sont pas moins de 25 blessures (dont 18 musculaires) qu’a dû déclarer le Milan. Une tous les trois jours en moyenne. Seuls huit joueurs pour le moment n’ont pas encore eu droit à leur tour à l’infirmerie. Le dernier en date ? Malick Thiaw. Le 28 novembre dernier, lors de la réception du Borussia Dortmund (1-3), le défenseur allemand a été contraint de quitter la pelouse à cause d’une lésion musculaire quelques minutes après le début de la seconde période. Mattia Caldara, Simon Kjær, Pierre Kalulu, Marco Pellegrino sont tous sur le flanc, et Stefano Pioli se trouve contraint de bricoler et de mettre Krunić en défense centrale. Le tournant du match, puisque les Rossoneri encaisseront deux buts dans la foulée. Forcément, avec ces 18 blessures musculaires, le staff médical milanais est pointé du doigt, et particulièrement le Milan Lab. Annoncé comme précurseur dans la médecine sportive au début des années 2000, ce centre de recherche s’avère être désormais inhabile.
Redondo et redondant
Été 2000. Berlusconi frappe un grand coup en signant Fernando Redondo pour environ 20 millions d’euros. Mais très vite, l’aventure de l’Argentin en Lombardie tourne au cauchemar. Les blessures se multiplient, et 33 matchs plus tard, en 2004, le triple vainqueur de la Ligue des champions raccroche les crampons. Pour les dirigeants rossoneri, c’est la goutte d’eau. Ces derniers décident alors, en juillet 2002, de créer le Milan Lab. Un projet innovateur dans le monde du football (et du sport en général) qui vise à combiner la science, la technologie, l’informatique, mais également la psychologie dans le but d’optimiser la psychophysique des athlètes et, surtout, d’anticiper les blessures. Un laboratoire ultramoderne, directement intégré au sein de Milanello, le centre d’entraînement du club, permettant au club de faire face, mais surtout d’anticiper d’éventuels pépins physiques. Le Milan Lab ne laisse rien au hasard, chaque joueur est évalué de manière individuelle avec des techniques spécifiques et innovatrices : de la paire de chaussures choisie au sous-maillot, tout est scruté de très près.
Une minutie qui coûtera pas moins de 2,5 millions d’euros à Silvio Berlusconi, agacé d’investir dans des joueurs – dont Redondo – minés par les blessures. La direction de ce centre de recherche est alors confiée au Dr. Jean-Pierre Meersseman. Bien que ses méthodes soient très critiquées par ses pairs, ce chiropracteur belge est vu comme un magicien en Lombardie. « Je me suis rendu compte en arrivant au club qu’une grosse partie du travail était fondée sur le bon sens, le feeling », expliquait-il dans un entretien accordé à DHnet, quelques mois après son arrivée au club. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur sa méthode de travail : « On travaille sur trois axes : le structurel, la biochimie et le mental. Il s’agit de récolter le maximum de données sur tous nos joueurs. Chaque quinzaine, le noyau complet passe une batterie impressionnante de tests, en laboratoire et sur le terrain, des tests physiques, psychologiques, techniques. Les joueurs sont sous contrôle permanent. »
Pour la finale de la Ligue des champions remportée en 2007, seuls Ambrosini (29 ans), Kakà (25 ans), Gattuso (29 ans) et Pirlo (28 ans) ne sont pas trentenaires.
Et presto, la méthode du toubib porte ses fruits. Le Milan parvient à remporter deux Ligues des champions en quatre ans, dont la dernière en 2007 avec une moyenne d’âge de 34 ans (équipe la plus âgée à remporter la compétition). « L’âge n’existe pas. Que vous ayez 24 ans ou 41 ans, ce qui compte, c’est que vous soyez prêt à jouer, mentalement physiquement », expliquait-il au Daily Mail. Le Milan Lab permet au Milan de recruter des joueurs plus âgés et donc de minimiser les coûts, tout en obtenant des résultats sportifs probants. Une méthode qui va même inspirer d’autres clubs comme Manchester United, Chelsea, Boca Juniors, mais aussi s’étendre à d’autres sports comme le basket avec les Spurs de San Antonio, le football américain avec les Dolphins de Miami ou encore la F1 avec McLaren.
Un gouffre financier
Néanmoins, si les méthodes font des merveilles sur les joueurs âgés, celles-ci s’avèrent moins efficaces sur les plus jeunes. Et le meilleur exemple est Alexandre Pato, qui a vu sa carrière tourner au fiasco à cause des blessures. Au total, en six piges passées en Lombardie, le numéro 7 passera pas moins de 380 jours à l’infirmerie et manquera près de 80 matchs, soit quasiment deux saisons loin des terrains. Silvio Berlusconi décidera alors de se séparer de son dottore belge, dont les méthodes s’avèrent être dévastatrices sur les corps juvéniles. « Mes blessures, c’est de la faute de Milan Lab, j’en suis persuadé, avait déclaré en 2013 Alexandre Pato à la chaîne brésilienne Sports TV. Je revenais sur les terrains, je me blessais, je partais me faire soigner, et je me blessais encore. Les médecins du club m’ont surchargé de travail pour retourner rapidement sur les terrains, alors que mon corps disait non. » Mais le Brésilien ne sera pas le seul : El Shaarawy, De Sciglio, Montolivo, Bonaventura, Pazzini, Calhanoglu, Conti ou encore Caldara, pour ne citer qu’eux, connaissent plus ou moins le même destin. Les années passent, les médecins se succèdent, mais la méthodologie reste identique. Et c’est tout le problème.
« Le Milan, avec 52 blessures sur l’année civile 2023, est l’équipe la plus touchée en Europe. Ces problèmes physiques ont coûté au total 9 230 000 millions d’euros, soit une moyenne de 180 000 euros par cas. Le Milan est dans l’urgence », témoignait Claudio Zamiglia, ancien médecin de Djokovic et tifoso inconditionnel du septuple champion d’Europe, sur son compte Instagram après l’énième sortie sur blessure de Thiaw face au BvB. Ce problème persistant s’est donc véritablement accentué cette saison : avec ses 25 blessures, le Milan est de loin le club le plus touché du top 5 européen. À titre de comparaison, la deuxième équipe est Manchester United avec « seulement » 13 blessures. Si certaines blessures sont inévitables, les 18 blessures musculaires sont clairement de la responsabilité du staff médical milanais. Mais alors, quelle solution ? Peut-être tirer le signal d’alarme et s’inspirer du grand Real Madrid, qui a mis à l’écart son médecin chef à la suite de la mauvaise gestion du crack Arda Güler.
Sofoot