Publié le 22 Feb 2019 - 20:49
Me MADICKE NIANG

 La coqueluche

 

Ce 24 février, les plus de 6 millions d’électeurs auront à choisir parmi 5 candidats dont Me Madické Niang. Brillant avocat, redoutable homme politique dont la candidature à cette Présidentielle est une monumentale surprise.

 

Me Madické Niang a ce quelque chose d’attachant sur laquelle il est difficile de mettre le doigt et un nom. Toujours est-il que le candidat à cette Présidentielle est un homme affable, courtois et très respectueux. Un ‘’Ndar-Ndar’’ au sens premier du terme. Au gré de cette campagne électorale, les Sénégalais ont eu le loisir de découvrir un homme politique ‘’free’’ (libre, qui ne se prend pas la tête) qui est rapidement devenu le chouchou des réseaux sociaux. Ses vidéos font le buzz. Ses prises de parole sont toujours un moment de délectation. C’est que l’avocat a toujours le bon mot pour dérider l’assemblée. Son ‘’Fi todj na’’, son expression à la mode, va sûrement passer à la postérité. D’autant qu’il l’a agrémentée en ‘’Fi todj na radiakh’’. Cette semaine, il a sorti ‘’Président ndiaga-ndiaye’’, pour se gausser des mobilisations du président sortant Macky Sall.

Me Madické Niang est issu de Santhiaba, un des quartiers de la Langue de Barbarie, dans l’île de Saint-Louis, connu pour son histoire et perçu comme le berceau de cette commune. Pour y accéder, il faut enjamber le pont Faidherbe et le pont Moustapha Malick Gaye, séparé du marché Ndar Toute par la grande avenue qui porte le nom de Serigne Mourtalla Mbacké. Ici, le Coran est appris à bas âge. Les tout-petits gambadent dans les rues, en cette matinée. D’aucuns rallient la plage. En cette période de froid, les rues ne grouillent pas de monde.

D’ailleurs, le quartier vit en permanence sous la menace des fortes vagues de la mer. Ainsi, quelques familles ont dû abandonner leurs concessions pour aller loger à Khar Yalla, sous des tentes et dans des habitats sociaux. Ce déchainement des forces de la nature n’a pas épargné la famille du candidat de la coalition Madické2019.  De ce fait, de nombreux habitants espèrent que leur fils, une fois élu, trouvera la solution adéquate à l’avancée de la mer et l’élargissement quotidien de la brèche, principale cause de cette érosion côtière, à les en croire. ‘’Je connais bien Madické pour son amour de la ville et de sa famille. S’il prend les rênes de ce pays, il ne ménagera aucun effort pour nous faire oublier cette menace de la mer’’, déclare Marième Faye, une femme dans la soixantaine, qui montre du doigt la maison qui a vu naitre Me Madické Niang. La dame le décrit comme un homme simple et souriant. ‘’Il n’a pas changé. Il est resté celui qu’il était en bas-âge’’, confie-t-elle.

Piètre gardien de but et jeune adulé par les filles

Dans ce quartier, la quasi-totalité des amis d’enfance du candidat sont partis. Mais, souffle-t-on, Me Madické Niang garde des relations avec eux. Comme en témoigne Abdoulaye Mar Thioune, instituteur et directeur d’école à la retraite, son ami d’enfance et cousin de surcroit. Né en 1953, M. Thioune a 5 ans de plus que le candidat de Madické2019. ‘’J’étais à l’école Brière de l’Isle devenue aujourd’hui école Abdou Diouf. Madické était à l’école Dodds et on s’accompagnait depuis l’âge de 7 ans’’, dit-il. Tous sont nés à la rue Lieutenant Yoro Samb Sow Bas Ndar Toute, à Santhiaba. Ils ont fréquenté l’école primaire, en même temps que feu Madické Seck transitaire, feu Ameth Fall, Bilal Fall, Amadou Abaisse Mbaye, feu Baye Fall, Me Alioune Abatalib Guèye... Tous avaient formé une bande de copains et jouaient ensemble à la plage. ‘’Nous étions inséparables. On se partageait tout et, aux heures perdues, on se regroupait chez Abaisse Mbaye et, par la force des choses, sa maison était le siège’’, se rappelle Mar Thioune.

La bande de copains, comme tous les jeunes, aimait taper dans un ballon sur la plage ou dans les ruelles. ‘’Madické Niang aimait garder les buts, mais il était un piètre gardien’’, révèle M. Thioune. Scrutant le toit de son salon, il soutient que, de 7 ans jusqu’à 67 ans, ils ne sont jamais séparés. Le groupe avait mis sur pied l’association les Sympathiques cadets. ‘’On organisait des soirées ou matinées et c’était Madické qui se chargeait d’inviter les filles, car celles-ci l’adulaient pour son charme et, dès qu’il s’absentait, le groupe le sentait de par son rôle primordial’’, se remémore-t-il.

En somme, Me Madické Niang était un garçon charmant. Il était aussi l’ami des personnes âgées. Selon ses dires, il a toujours été d’un abord facile avec ses semblables. ‘’Ces qualités lui permettaient de négocier beaucoup de choses pour notre groupe’’, se rappelle Mar Thioune.

Unificateur et généreux

Fils d’une grande dame de Santhiaba, feue Adia Khady Thioune, une femme de valeur, une véritable Saint-Louisienne, et de Gorgui Mademba Niang, fervent talibé de Serigne Massamba Mbacké, Me Madické Niang, dit-on, a été bien éduqué par ses deux propres parents dans une grande famille polygame. Au sein de laquelle, ajoute-t-on, il est l’unificateur, le trait d’union entre les membres. ‘’Il ne veut pas voir un être humain dans la souffrance et quand il était dans le gouvernement de Me Wade, il a aidé ses concitoyens de Saint-Louis’’, témoigne Ndèye Seyni Diop pour magnifier sa générosité. La dame, dans la cinquantaine, est une proche de l’ancien ministre des Affaires étrangères. Ses propos sont corroborés par Mar Thioune : ‘’Il a toujours aimé organiser, inviter et partager ses repas’’, dit-il, faisant remarquer que sa maison à Dakar, à Sacré-Cœur, ne désemplit pas. ‘’Sa femme Adia Khoudia prépare les repas et c’est lui qui les sert à ses hôtes’’, confie-t-il.

Fatou Guèye, la femme de son ami Me Abatalib Guèye, et sœur de sa femme Adia Khoudia, ne dit pas autre chose. ‘’Plus de 15 de ses amis sont allés à La Mecque grâce à lui. C’est un bienfaiteur, un mari parfait’’, déclare-t-elle.

Gréviste et renvoyé de l’Ucad

Après son admission en classe de 6e, Me Madické Niang est allé au collège Camp Gazelle où il a obtenu son Bepc (actuel Bfem). Puis, il est allé au lycée Charles de Gaulle où il a décroché le Baccalauréat littéraire. Admis à l’Ucad, il réussit brillamment sa 1re année. Mais, en 2e année, il est exclu de l’université pour avoir dirigé un mouvement de grève. Pendant quelques mois dans la capitale sénégalaise, il donne des cours dans des écoles privées.

Puis, avec ses propres moyens, il se rend à Abidjan où il s’inscrit à la faculté de Droit de l’université d’Abidjan. Il y décroche sa Maitrise. Pour gagner sa vie en cette terre étrangère, l’enfant de Santhiaba dispense des cours. Avec l’argent récolté, il parvient à entretenir ses proches restés au Sénégal.

Avocat de Me Abdoulaye Wade et ‘’des causes injustes’’

‘’C’est quelqu’un qui s’est pris très tôt en charge. Il est rentré au Sénégal pour être stagiaire, durant 2 années, au cabinet de feu Me Mame Bassine Niang’’, poursuit Mar Thioune. Ensuite, il ouvre son étude pour voler de ses propres ailes. Rapidement, de nombreux dossiers juridiques atterrissent sur sa table. Le plus connu est l’affaire Me Babacar Sèye, le juge assassiné. Le tout jeune avocat défend Me Wade. "Abdoulaye Wade a été arrêté, en 1985, lors d’une marche avortée de l’opposition. Il a été arrêté avec d’autres militants. J’ai décidé de les défendre, alors que je venais juste d’avoir 3 ans au barreau", confiait Me Madické Niang pour retracer l’origine de ses rapports quasi filiaux avec le secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds).

Avec l’affaire Me Sèye, sa renommée grandit. Ce que confirme Mar Thione qui souligne que sa notoriété a vu jour avec l’affaire Me Sèye, lors de laquelle il a défendu le ‘’Pape du Sopi’’. D’ailleurs, ses jeunes pairs avocats trouvés au tribunal de Saint-Louis lui portent beaucoup d’estime. ‘’Il a défendu beaucoup de dossiers et on l’appelait l’’avocat des causes injustes’, ‘des arrestations arbitraires’. Il se constituait gratuitement’’, dit un de ses confrères qui préfère garder l’anonymat.

Connu pour être un brillant avocat, Me Madické Niang est un fervent mouride, éduqué dans la voie tracée par Cheikh Ahmadou Bamba. ‘’Son père était un fervent mouride’’, se rappelle un septuagénaire assis devant sa maison. D’ailleurs, dès qu’il a été orienté à l’Ucad, il a mis sur les fonts baptismaux, avec des amis comme Me Alioune Abatalib Guèye, le Dahira mouride des étudiants qui deviendra, par la suite, le Hizbut Tarqiyyah. ‘’Nous nous rencontrions à la Sicap rue 10, chez Boubacar Nguireu Thioune’’, souffle son ami d’enfance Mar Thioune.

Le candidat de la coalition Madické2019 est aussi un amoureux du basket. Il fut le président de l’Association sportive Santos de Santiaba. ‘’Sur le plan sportif et social, il a beaucoup fait pour sa ville natale’’, soufflent les habitants de Santhiaba.

Il a choisi Touba au détriment de Saint-Louis, en politique

‘’Me Madické Niang, candidat Ndar-Ndar bi’’, peut-on lire sur des affiches à l’entrée et à l’intérieur de la ville de Saint-Louis. Pour certains, cela est loin d’être une réalité. ‘’C’est un slogan pour attirer les natifs de cette ville, mais Me Madické n’a jamais milité ici, du temps des libéraux’’, se désole Moussa Diaw. Cet observateur averti de la politique de sa ville se rappelle que l’enfant de Santhiaba avait choisi Touba pour voter et il est même allé jusqu’à établir là-bas sa base politique. Pour M. Diaw, cela peut être un handicap politique.

‘’Cela pourrait porter préjudice auprès des électeurs de Saint-Louis, mais on peut lui reconnaitre son affection pour la ville’’, tempère-t-il. D’ailleurs, Moussa Diaw dit aimer son projet de société ‘’Jamm ak Xewel’’. ‘’Je l’ai trouvé très affecté par la situation des pêcheurs de Guet-Ndar qui perdent la vie sur la brèche et par l’avancée de la mer. Je pense qu’une fois qu’il accède au pouvoir, il trouvera les solutions’’, poursuit-il.

La rupture avec Me Wade

En tout cas, pour cette Présidentielle, le natif de Saint-Louis peut se prévaloir d’une solide expérience des affaires de l’Etat. Sous les mandats présidentiels de Wade, il a été ministre de l'Habitat du premier gouvernement d’Idrissa Seck (2002-2003), ensuite de l'Énergie et des Mines, dans le second gouvernement d’Idrissa Seck (2003-2004). Après la destitution de l’ancien maire de Thiès, il a gardé son portefeuille dans le premier gouvernement de Macky Sall (2004-2006). Un portefeuille ensuite modifié en Mines et de l'Industrie, dans le second gouvernement du président sortant (2006-2007). Gardant la confiance de Me Abdoulaye Wade, il est devenu ministre d'État, Garde des Sceaux, ministre de la Justice de 2007 à 2009 dans le gouvernement de Souleymane Ndéné Ndiaye, puis ministre d'État, ministre des Affaires étrangères d'octobre 2009 à avril 2012.

A 65 ans, Me Madické Niang veut être la surprise de l’élection. Lui qui a été exclu du Parti démocratique sénégalais, en octobre 2018, pour s'être porté candidat à cette élection présidentielle sénégalaise de 2019, contre les désirs de son ex-mentor Me Abdoulaye Wade dont la candidature du fils Karim Wade a été invalidée par le Conseil constitutionnel. Une séparation qu’il vit mal. Lui l’ami, le confident et l’homme de confiance de l’ex-président. ‘’Ma rencontre avec Wade a constitué un tournant dans ma vie. Il me vouait une confiance aveugle. Tout passait par moi. Quand il est arrivé au pouvoir en 2000, nous sommes allés ensemble à Touba dans la même voiture’’, confiait-il dans une vidéo publiée récemment.

Tout au long de la campagne électorale, en filigrane de son discours, il y aura eu cette déchirure dont il tente par tous les moyens de se guérir. "Je peux exister en dehors d’Abdoulaye Wade, disait-il récemment, lors de l’étape de Linguère. J’existais avant de l’avoir vu, je me suis fait une notoriété avant de l’avoir vu. Grand avocat, je l’ai été. C’est pourquoi il m’a choisi pour que je le défende. J’ai toujours été son avocat. Ça, c’est tout à fait vrai. Donc, je n’ai pas vraiment besoin de notoriété qui ne s’appuie que sur des liens, un lien organique avec Abdoulaye Wade".

Au soir du 24 février, on saura si l’avocat candidat a un destin présidentiel.

Fara SYLLA (SAINT-LOUIS) et GASTON COLY

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