Publié le 11 Feb 2017 - 21:26
POLITIQUE CULTURELLE

Des acteurs dressent le bilan à mi-parcours de Macky Sall

 

Au Sénégal, le constat est fait que  la culture a connu son âge d’or  sous le régime du premier président sénégalais Léopold Sédar Senghor. Son successeur Abdou Diouf n’a pas su faire mieux ou même autant que lui à cause des ajustements structurels. Abdoulaye Wade lui, a réussi à faire beaucoup plus qu’Abdou Diouf dans ce secteur, surtout sur le plan infrastructurel. Aujourd’hui, c’est à Macky Sall de jouer sa partition. Mais les actions menées jusque-là restent  timides, de l’avis de nombreux acteurs culturels.

 

‘’La politique culturelle menée n’est pas bonne’’, dénoncent certains artistes sénégalais. ‘’Il n’y a pas de politique culturelle’’, soutiennent d’autres plus radicaux. Seulement, tous ceux qui le disent savent-ils réellement ce qu’est une politique culturelle ? A entendre leurs arguments pour étayer leurs propos, non est la meilleure des réponses. Parce que chacun d’entre eux prêche pour sa chapelle et parle de ‘’politique culturelle’’ en ne faisant référence qu’au secteur dans lequel il évolue. Or, la politique culturelle est définie par l’Unesco ‘’comme l’ensemble des usages et de l’action (ou absence d’action pratiquée consciemment et délibérément), dans une société, destinés à réaliser certains buts culturels  par  l’utilisation  optimale  de  toutes  les  ressources matérielles et humaines se trouvant à la disposition de cette société à un moment donné’’. Et en France, elle ‘’traduit les priorités culturelles d’une cité, au sens politique du terme, d’un ensemble de citoyens constituant une commune, un Etat’’. En outre, elle peut être résumée comme ‘’les voies et moyens définis par un Etat pour le développement de la culture’’, tel que la conçoit le doctorant en histoires et civilisations de l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris), Abdoulaye Gaye.

Du premier Président du Sénégal Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, chacun a déroulé à sa manière ses visions pour ce secteur. ‘’Nous nous réjouissons de ce qui est en train d’être fait. Depuis 2 ou 3 ans, la direction des Arts assiste beaucoup les acteurs. Ces derniers sont aujourd’hui associés aux projets culturels menés par le gouvernement. Le gouvernement écoute les acteurs même si on aimerait qu’il le fasse de manière régulière’’, déclare le secrétaire général de l’association des métiers de la musique du Sénégal (AMS), Daniel Gomez. Un avis que ne partage par le musicien Baba Hamdy. Au cours d’une conférence de presse, le pianiste a déclaré que ‘’les acteurs culturels ne sont pas contents’’ et que ‘’la politique culturelle menée ne les satisfait pas’’.

3 ministres en 4 ans

Dans une contribution reçue à EnQuête, Abdoulaye Gaye aussi embouche la même trompette. ‘’Les quatre premières années du Président Macky Sall ont été très peu senties dans le domaine de la Culture : 3 ministres (ndlr Youssou Ndour, Abdou Aziz Mbaye et Mbagnick Ndiaye) en 4 ans ; erreur de casting peut-être ?’’ se demande-t-il. Une instabilité institutionnelle qu’a aussi notée le Dr Ibrahima Wane de la faculté des Lettres de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ce dernier a remarqué que ‘’la lettre de politique sectorielle n’a été élaborée qu’en 2016, 3 ans après l’arrivée de Macky Sall’’.

Toutefois, M. Gaye est d’avis que ‘’le président Sall est arrivé au moment où le rayonnement de la Culture sénégalaise à l’étranger est en déclin depuis belle lurette : Absence de personnels qualifiés (conseillers aux affaires culturelles et animateurs culturels) dans les ambassades et consulats, manque de programme ou projet de formation pour le renforcement des capacités des agents du ministère malgré des initiatives personnelles et individuelles çà et là, manque d’infrastructures culturelles adéquates, mais aussi de dotations de matériels dans les régions, caducité des textes régissant le statut particulier des cadres des fonctionnaires de la culture’’. Seulement, ça ne doit pas constituer des facteurs de blocage. Il est possible d’aller au-delà de tout cela. Des choses sont d’ailleurs en train d’être faites. ‘’Parmi les actes les plus visibles posés jusque-là, il y a l’agrément et même l’installation de la nouvelle société de gestion collective, le Fonds des cultures urbaines’’, a indiqué Dr Wane.

Abdoulaye Gaye note pour sa part l’instruction donnée pour la construction d’une école nationale dédiée aux arts et métiers dans les plus brefs délais. Dans le même ordre d’idées il ajoute ‘’le clin d’œil donné aussi à la culture lors de la célébration du cinquantenaire du Fesman, l’augmentation du Fopica à 1 milliard de F CFA, la résurrection du grand prix du président de la République pour les Arts de même que les rencontres cinématographiques de Dakar (RECIDAK)’’.

Ce qui ne constitue pas en tant que telle une politique culturelle. ‘’Il y a des initiatives. Mais on n’en est pas jusque-là à l’élaboration d’une véritable politique, d’une véritable vision, des priorités et des méthodes d’évaluation, etc. Il y a juste des initiatives sur la base de quelques idées lumineuses, sur la base du contexte, du combat d’une partie du secteur culturel’’, a relevé M. Wane. Il reste beaucoup de choses à faire. Par exemple, a-t-il noté, ‘’dans le domaine du théâtre, il faut noter que le Sénégal marque gravement le pas par rapport aux autres pays africains. Là où dans le domaine du cinéma on semble relever la tête depuis quelque temps, dans le théâtre on est en retard. Il y a un recul grave dans ce secteur par rapport à la présence sur le plan international qui commence par l’école des arts qui, pendant des années, a fermé sa section théâtrale’’. Ce qui lui fait d’ailleurs dire qu’il ‘’n’y a que des initiatives et une volonté’’. ‘’Moi, je ne vois pas encore la rupture’’, conclut-il.

La rupture attendue pourrait peut-être commencer cette année. Macky Sall a déclaré 2017 ‘’année culturelle’’. ‘’Je crois que c’est une bonne chose. Cela marque une volonté et une prise de conscience. Je souhaite que cela soit un déclic, que 2017 ne soit pas la seule année’’, a analysé le professeur de Lettres. Ce serait tout bénéfique pour les gouvernants de miser sur la culture, eux qui prônent l’émergence. ‘’Pour émerger, il faut partir de quelque part, il faut s’enraciner’’, a rappelé Dr Wane.  ‘’Malheureusement dans nos politiques, on ne voit que ce qui est rentable ; la culture n’est pas quantifiable en quelque chiffres’’, a-t-il regretté.

Démocratisation de l’action culturelle

Abdoulaye Gaye lui, trace la voie à suivre pour donner la place qu’il faut à la culture. ‘’Pour une bonne politique culturelle, il faut : une ouverture à celle-ci au plus grand nombre, cette démocratisation de l’action culturelle doit systématiquement être érigée au rang d’objectif majeur pour chaque nouvel locataire de l’avenue Roume’’.

Il est d’avis qu’il faut ‘’favoriser les expositions internationales, faire connaître les artistes à l’étranger pour un dialogue fécond des civilisations, aider ponctuellement à la production d’œuvres complexes, soutenir les galeries et services dans leur mission d’accompagnement des jeunes artistes’’. Mais également redémarrer des journées ou semaines sénégalaises à l’étranger ainsi que la tenue d’un discours politique ayant une portée culturelle et économique. Toujours, suivant sa vision, il faudrait un ‘’rôle plus déterminant de la culture dans le Plan Sénégal Emergent (PSE) et replacer les centres culturels régionaux au cœur du dispositif administratif en conférant aux directeurs de centres leur rôle de premier conseiller des gouverneurs de région, comme le voulait le Président poète’’.

Dans les perspectives, il prône la récupération du ‘’matériel de sonorisation et de lumières légué par le Fesman pour créer un service logistique et technique moderne, apte et capable d’assurer toutes les grandes manifestations culturelles de l’Etat, au-delà de celles du ministère de la Culture‘’, entre autres suggestions. 

BIGUE BOB

 

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