Publié le 21 Oct 2020 - 20:39
TENSIONS VIVES EN GUINEE

Cellou Dalein Diallo ‘’bloqué’’ chez lui

 

L’opposant guinéen, qui réclame une victoire au premier tour de l’élection présidentielle organisée dimanche dernier, se dit ‘’séquestré’’ par le pouvoir en place. Sur les réseaux sociaux, il a partagé des images de membres des forces de l’ordre guinéennes bloquant l’accès à sa maison.  

 

Le scénario redouté est en train de s’écrire en Guinée. Malgré le triple appel au calme et à la retenue de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), de l’Union africaine (UA) et de l’Organisation des Nations Unies (Onu), les candidats à l’élection présidentielle du 18 octobre dernier n’en font qu’à leur tête.

Criant partout sa victoire au premier tour, le principal prétendant de l’opposition est désormais contraint à rester chez lui. Cellou Dalein Diallo s’en est plaint dans la soirée d’hier sur les réseaux sociaux, quelques photos à l’appui : ‘’Je suis bloqué chez moi : mon domicile est encerclé par la police et la gendarmerie qui interdisent toute entrée et toute sortie. Ne pouvant faire face à la vérité des urnes, le régime anti-démocratique d’Alpha Condé tente de s’imposer par la force. Il est temps, pour la Guinée, de tourner la page de ce régime liberticide et fratricide.’’ 

Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et ses partisans ne comptent pas, selon eux, se laisser voler la victoire, comme ce fut le cas lors des deux dernières élections présidentielles, en 2015 et 2010. C’est pourquoi ils ont pris les devants, leur candidat annonçant sa victoire depuis lundi, le lendemain de la tenue du scrutin. 

Les remontrances de la Commission électorale nationale électorale (Ceni) s’en sont suivies. L’instance responsable de la publication des résultats officiels a jugé "prématurée", "nulle et de nul effet" la déclaration de Cellou Dalein Diallo, rappelant qu’il lui appartient d'annoncer les résultats provisoires, probablement "d'ici à la fin de la semaine", puis à la Cour constitutionnelle de les valider. Selon leur porte-parole, la réception des procès-verbaux issus des commissions de centralisation à travers le pays a commencé lundi soir. Une fois le tout dernier procès-verbal reçu, la Ceni aura 72 heures pour proclamer les résultats provisoires de ce premier tour. Toujours selon l'organe électoral, le taux de participation à cette élection avoisinerait les 75 %.

Le gouvernement dénonçait, lundi, ‘’un acte irresponsable’’ et antirépublicain, alors que le chef du groupe parlementaire Aly Kaba menaçait ‘’d’engager des poursuites judiciaires’’ contre Cellou Dalein Diallo, après cet ‘’acte de provocation’’ : ‘’Nous avons des institutions républicaines qui sauront réagir.’’

Le pouvoir aurait-il joint les actes aux paroles ?

Mais la tension reste palpable dans le pays. Malgré ses déclarations, Cellou Dalein Diallo n’a encore avancé aucun chiffre permettant d’avoir une idée sur le comptage que ses représentants dans les urnes ont pu finaliser.

Cependant, plusieurs tendances le donneraient en avance sur le président sortant Alpha Condé et candidat du RPG (Rassemblement du peuple de Guinée).

‘’Trois morts par balles’’

L’inquiétude se nourrit aussi des propos du leader de l’UFDG. Avant son placement en ‘’résidence forcée’’, l’opposant alertait : ‘’Alors que des jeunes célébraient pacifiquement ma victoire, les FDS (forces de défense et de sécurité, NDLR) ont tiré sur la foule, entraînant la mort de trois jeunes garçons et plusieurs blessés par balles. Je présente mes condoléances aux familles et condamne ces nouveaux crimes à mettre à l’actif d’Alpha Condé.’’

L'UFDG a présenté les morts comme Thierno Nassirou Sylla, Mamadou Saidou Diallo et Abdoulaye Diomba Diallo, âgés de 13, 14 et 18 ans, respectivement. Un correspondant de l'AFP présent dans la banlieue a déclaré avoir vu trois blessés et une forte présence des forces de sécurité, malgré l'obscurité dans laquelle retentissaient des détonations sporadiques. Mais jusqu’ici, ces accusations n’ont été confirmées nulle part par les autorités.

Le manque de confiance affiché par Cellou Dalein Diallo en la Ceni et à la Cour constitutionnelle fait redouter le pire. Ses partisans ont déjà tenu des scènes de liesse suivies de heurts dans la banlieue de Conakry, fief de M. Diallo et de son parti. Toute proclamation de résultats en sa défaveur pourrait être source de violence, alors que les premières tendances officielles sont attendues en fin de semaine. Surtout si l’on sait que la candidature à un troisième mandat d’Alpha Condé a été à l’origine de violences préélectorales ayant fait plusieurs morts et qu’une partie de l’opposition et de la société civile guinéenne a boycotté les élections.

Les organisations internationales ont toutefois tenu une conférence de presse commune. Selon José Maria Neves, Chef de la mission d'observation de la CEDEAO pour la Présidentielle en Guinée, le scrutin s’est globalement bien déroulé, malgré quelques manquements. Il invite ainsi les candidats et les Guinéens à respecter les résultats sortis des urnes.

Du côté de la mission d'observation de l'Union africaine pour la Présidentielle en Guinée, Augustin Matata Ponyo Mapon rapporte que ‘’le scrutin s'est déroulé dans la transparence, dans la sécurité, dans le calme et dans la sérénité’’.

Lamine Diouf

Section: