Publié le 27 Aug 2020 - 00:34
ABDOULAYE FALL MAO SUR LA CRISE MALIENNE

‘’Les militaires ont déposé IBK pour éviter au Mali de sombrer dans une guerre civile’’

 

Dans un document intitulé ‘’Le mirador des G5 Sahel’’, avec le Sénégal comme sentinelle, publié le 16 avril 2020, l’ancien militaire Abdoulaye Fall Mao avait prédit le ‘’chaos’’ au Mali, si les autorités maliennes et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ne prenaient pas certaines dispositions. Cinq mois après, le chef de l’État malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) est contraint à la démission par l’armée. Dans cet entretien, l’ex-militaire aborde les conditions de transfert du pouvoir aux civils et salue la décision de la junte de diriger le pays pour les deux années à venir.

 

La délégation de la CEDEAO conduite au Mali par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, est presque repartie bredouille. Elle n’a pu trouver d’accord avec la junte militaire sur diverses questions. Qu’est-ce qui a conduit à cet échec ?

Vous parlez d’échec ! Mais l’échec était prévisible. Il est même cuisant, parce que la CEDEAO n’a aucune crédibilité. C’est une institution qu’il faut dissoudre et passer à autre chose. La CEDEAO, qui est supposée être là pour le peuple, travaille plutôt à maintenir des chefs d’État au pouvoir. Encore que ces présidents ne respectent pas cette organisation. La junte connaît bien la CEDEAO. Dans les discussions, les militaires n’ont pas montré de limites. Ils ont compris que cette institution sous-régionale n’est là que pour défendre les intérêts des présidents des différents États, notamment sur la question du troisième mandat.

Voilà pourquoi la mission conduite par Goodluck Jonathan a lamentablement échoué. Cette CEDEAO doit être destituée. Si on prend l’exemple du Cap-Vert, c’est un pays lusophone qui n’a jamais connu ce genre de situation. Les coups d’État et la question du troisième mandat, c’est pratiquement en Afrique francophone et occidentale. Je salue la position des putschistes. 

Les putschistes veulent rester au pouvoir pendant deux ans. Est-ce qu’en deux ans, les militaires pourront être déterminants dans la restauration de la paix ?

Les militaires sont des citoyens instruits. Ceux qui sont à la tête de la junte sont des officiers supérieurs qui sont sortis de l’école située à Kati. Oui ! Je suis persuadé qu’en deux ans, ils pourront conduire le Mali à bon port. Maintenant, je propose qu’il y ait un Premier ministre civil plutôt que militaire. Le Mali n’est pas un petit peuple, ni un petit pays. Les premiers gradés noirs étaient des Maliens. L’armée malienne est une armée digne, républicaine et très instruite. Les militaires peuvent gérer ce pays comme l’a fait, pendant 7 ans, celui qui vient d’être déposé par les militaires. L’ancien chef d’État ne pouvait plus rien régler. Il était dépassé par la tournure des événements, notamment par la crise qui sévit au nord du pays. Il ne pouvait pas la résoudre. Les militaires lui ont facilité la tâche, en lui proposant une retraite anticipée. Il était temps, pour Ibrahim Boubacar Keïta, de partir. Parce que ce même peuple qui l’avait élu en 2013 et réélu en 2018 ne voulait plus de lui.

Maintenant, il appartient aux militaires de saisir cette opportunité pour restaurer la paix. A eux, également, de travailler à unifier le peuple. Avec un petit effort, ils peuvent y arriver. Parce que le peuple est avec eux et adhère à leur politique. La junte est composée de jeunes officiers capables de gérer le Mali. Le Mali a au moins 80 officiers supérieurs généraux.       

Pensez-vous que la stratégie de choisir un président militaire et un gouvernement en majorité composé de militaires peut aider à réunifier le peuple malien et mettre fin à la problématique de corruption en cours dans ce pays ?

Absolument ! Les militaires sont des gens libres d’esprit. Ils veulent que la Mali retrouve son calme d’antan. En suivant ce qui se passe dans ce pays, on se rend compte qu’il y règne une corruption sans précédent. Donc, la transition telle que proposée par la junte aiderait beaucoup le Mali. Les militaires ne sont là que pour le peuple. Ils ont anticipé sur la situation. Et ils savent pourquoi ils l’ont fait. Les militaires ont déposé IBK pour éviter au Mali de sombrer dans une guerre civile. Ils savaient qu’il pouvait y avoir une guerre civile, le 20 août dernier. Le militaire, c’est celui qui aime son pays, sa nation et son président, même s’il est médiocre. Je sais que l’heure a sonné, pour eux, de travailler avec les forces vives de la nation pour aider cet immense pays à se relever. Les militaires sont des républicains. Je reste convaincu qu’ils peuvent le faire. Cela ne veut pas dire qu’ils doivent rester éternellement au pouvoir. Au terme des deux ans qu’ils ont proposés, ils doivent transférer le pouvoir aux civils, parce que le militaire est subordonné au civil. Ils ont le savoir, la dignité et sont très disciplinés.

Donc, ils peuvent beaucoup contribuer à la construction d’un Mali nouveau et fort. D’un Mali qui va se redresser à jamais et définir, ensemble avec les Maliens, les contours d’un développement endogène. Il y a la corruption dans ce pays, mais il y a aussi des Maliens très pieux. C’est avec ces derniers que la junte doit nouer un partenariat.

Après la prise du pouvoir par les militaires et même au tout début de la mutinerie, les Maliens sont sortis en nombre pour encourager et congratuler les forces armées maliennes. Pourquoi le peuple a accueilli ce coup d’État avec autant d’enthousiasme ?

Le peuple est tout simplement du côté de l’armée, parce qu’il en avait marre et ne voulait plus de ce président de la République. Selon le peuple qui l’avait élu et réélu, IBK a déçu. Quand on ne fait plus confiance au commandant en chef, on trouve refuge chez l’officier, qu’il soit général, colonel ou encore commandant. Voilà ce qui s’est passé. Pendant des semaines, le peuple a réclamé le départ d’Ibrahim Boubacar Keïta. IBK, lui, refusa. A cause de lui, on a tiré sur des manifestants au Mali. Quand les militaires ont compris que la situation risquait de dégénérer, ils se sont rangés du côté du peuple souverain pour pousser l’ancien président vers la sortie. C’est normal que les Maliens témoignent toute leur reconnaissance à l’armée et fêtent ensemble avec elle cette victoire.      

Vous disiez pressentir ce qui s’est passé au Mali le 18 août dernier, avec finalement le départ du pouvoir de l’ancien président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. Comment en est-on arrivé à ce quatrième coup d’État ?

C’est une question facile à répondre. C’est à cause de la négligence des hautes autorités que la Mali a connu son quatrième coup d’État. Les gens ont alerté, y compris moi-même. Mais ceux qui croient toujours être plus intelligents que les autres ont refusé de donner du crédit aux recommandations des uns et des autres.

Aujourd’hui, les résultats sont là. Avec un coup d’État après celui de 1968, 1991 et 2012. C’est très dommage. Mais je pense que les militaires qui dirigent le Mali vont le remettre sur les rails avant de céder la place aux civils.   

GAUSTIN DIATTA (THIES)  

Section: 
APRÈS AVOIR PARTICIPÉ AU DIALOGUE L'opposition demande à Diomaye de créer un comité inclusif de suivi
Arrestation de Moustapha Diakhaté
ARRESTATIONS POLITIQUES Entre rupture judiciaire et continuité répressive ?
Tas accuse Pastef de "Clanisme"
PUBLICATION DES RAPPORTS D’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE : Diomaye et Sonko font pire que Sall
VOITURE DES DÉPUTÉS À 54 MILLIONS F CFA : La fracture morale
VISITE DE SONKO À PÉKIN : Une diplomatie économique au service de la souveraineté
LIBÉRATION DES DÉTENUS, HAUTE COUR DE JUSTICE, LIBERTÉ DE LA PRESSE : Ces mesures fortes attendues par l'opposition républicaine
FIN DIALOGUE NATIONAL : Mi-figue mi-raisin
SITUATION PARTI SOCIALISTE : Les responsables de Dakar appellent à la réunification
JET PRIVÉ DU PM : Entre fantasmes et réalité
DIALOGUE NATIONAL AU SÉNÉGAL : Incertitudes autour du statut du chef de l’opposition
POURSUITE DES TRAVAUX DU PORT DE NDAYANE : Plus de 480 milliards F CFA  investis  en 2025
POUR LA LIBÉRATION DE MANSOUR FAYE : La Cojer départementale de Ndar  se mobilise
MANQUE D’EAU À NDIOSMONE-PALMARIN : Les populations marchent contre la Se’o
MACKY SALL DANS LA COURSE POUR L'ONU : Ambition personnelle ou défi diplomatique africain ?
APR ET GSB PRENNENT LE CONTRE-PIED DU POUVOIR : Le dialogue parallèle des opposants
SÉNÉGAL BINU BOKK : La nouvelle voie politique de Barthélemy Dias
SYSTÈME POLITIQUE : Le dialogue de la réconciliation 
FICHIER ÉLECTORAL : Les limites de l'inscription automatique