Publié le 17 Nov 2022 - 18:45
RUPTURE DU DIALOGUE POLITIQUE

Entre inquiétudes et espoir !

 

Dans ce contexte marqué par un climat politique tendu, certains acteurs appellent les parties prenantes à s’assoir à nouveau autour d’une table pour, non seulement, évaluer les processus électoraux passés, mais aussi discuter de toutes les questions de crispation de l’espace… Sans tabou ! Décryptage avec le directeur exécutif de 3D Moundiaye Cissé et le coordinateur des non-alignés, Déthié Faye.

 

Le fossé entre l’opposition et le pouvoir n’a eu de cesse de se creuser, depuis maintenant plusieurs mois. Aux différends électoraux persistants, il faut ajouter les conflits politico-judiciaires. Une situation qui inquiète bien des Sénégalais. Pour Déthié Faye, coordinateur du pôle des non-alignés, les gens ont bien raison de s’inquiéter, car, les dissensions augmentent, de jour en jour. Selon lui, cela s’explique essentiellement par des affaires (judiciaires) qui peinent à connaitre des dénouements. ‘’Ce qui fait naitre des divergences et contradictions de nature à entretenir la tension dans l’espace public sénégalais et justifier les inquiétudes des Sénégalais. Si cette situation perdure, nous allons vers des tensions qui auraient pu être évitées…’’, analyse Monsieur Faye, non sans insister sur la nécessité de faire l’inventaire de la mise en œuvre des consensus issus du dialogue précédent.

Il déclare : ‘’C’est la première chose à faire. Ça ne sert à rien de se concerter et de mettre ensuite les conclusions dans les tiroirs. C’est pourquoi, j’estime que la première chose à régler, c’est comment mettre en œuvre les consensus issus du précédent dialogue.’’

En effet, à l’issue des dernières concertations, il y a eu deux catégories de recommandations. D’abord, il y a les recommandations relatives à la réforme des règles du jeu électoral. Ensuite, celles qui portent sur des questions plus profondes et qui touchent à des aspects plus larges. Si les premières ont été mises en œuvre, les secondes étaient pour l’essentiel laissées en rade. C’est le cas, par exemple, rappelle Déthié Faye, des mesures sur la décrispation de l’espace politique ; des mesures allant dans le sens de renforcer la démocratie et les droits humains ; celles portant sur la rationalisation des partis, les institutions… ‘’C’est beaucoup de questions sur lesquelles il y avait des consensus et il faut les mettre en œuvre’’, dit-il.

‘’Le dialogue peut mener à tout’’

Interpellé sur la ‘’rupture du Dialogue’’, le directeur exécutif de l’ONG 3D, Moundiaye Cissé, estime qu’il serait un peu précipité de parler de rupture du dialogue. Pour lui, faut distinguer deux choses. D’une part, il y a le dialogue politique formel qui est fait de manière périodique et de façon assez organisée. D’autre part, il y a le dialogue politique informel qui qui se fait de manière ponctuelle sur des questions spécifiques. ‘’On ne peut donc parler de manière péremptoire de rupture du dialogue. S’il y a rupture quelque part, c’est sur les véritables enjeux démocratiques. Bien-sûr, les gens échangent à travers l’Assemblée nationale, mais, on ne se parle pas dans le sens de mettre en place des conditions d’une paix durable dans l’espace politique. C’est là le véritable enjeu, à mon avis’’.

A en croire le plénipotentiaire de la société civile au Dialogue, les dialogues précédents ont permis de faire des avancées importantes, mais, il y a des questions en suspens qu’il faudra prendre en charge. ‘’Maintenant que les élections sont derrière, insiste-t-il, il faudra procéder à l’évaluation de tout ça, dans une approche inclusive. D’ailleurs, depuis quelques semaines, le Cosce est dans cette dynamique. Nous sommes en train de faire le tour du pays pour évaluer le processus dans son ensemble. Cela pourrait être capitalisé dans le cadre des dialogues futurs.’’

Au-delà de ce dialogue inclusif de tous les acteurs, le directeur exécutif de 3D trouve pertinent une déclaration récente d’un responsable de Pastef. ‘’J’ai entendu l’autre jour, soutient-il, un responsable de Pastef -je crois que c’était Diomaye- dire que Macky Sall et Ousmane Sonko doivent se parler pour l’intérêt du Sénégal ; je pense que ça doit être possible. Ils peuvent discuter, sans se compromettre. Ce serait bien pour ce pays. Et ce ne serait pas un aveu de faiblesse pour aucune des parties. Et dans cette perspective, il ne doit pas y avoir de sujet tabou.’’

Moundiaye Cissé d’ajouter : ‘’Il faut aborder même les questions qui fâchent, y compris les questions judiciaires. Il faut créer des espaces de dialogue. Vous savez, le dialogue peut mener à tout. Il n’y a pas de problèmes qui ne puissent être pris en charge par le dialogue entre les acteurs.’’

La justice, le point de crispations

Aujourd’hui, pense-t-il, qu’on le veuille ou non, il y a une remise en cause à tort ou à raison de l’action de la Justice sur certains dossiers. Il s’interroge : ‘’Doit-on foncer et prendre des décisions qui pourraient être rejetées par une partie de l’opinion avec tous les risques qui vont avec ? Faut-il s’assoir et discuter franchement pour mettre en place les conditions pour que non seulement Justice se fasse, mais aussi, dans des conditions acceptées par tous ? Il faut oser en discuter sans tabou, à notre avis. Il y va de l’intérêt de tous, mais surtout, du Sénégal.’’

En ce qui concerne les questions électorales, il préconise de ne pas attendre la période pré-électorale pour se parler. ‘’C’est pendant que les esprits sont apaisés, les nerfs moins tendus, qu’il faut poser certaines questions, notamment le parrainage, le fichier électoral, les cartes d’électeurs. Voilà trois questions essentielles ; au moins, les gens devraient parler.’’

Mais que faire pour décrisper le climat politique, aborder la Présidentielle sous de bons auspices. Déthié Faye, tout en réitérant qu’il n’y a pas péril, tient à rappeler : ‘’Traditionnellement, après chaque élection, le ministre en charge des élections convoquait les acteurs pour faire le bilan de ces élections. Cela permettrait à chacun de mettre sur la table les dysfonctionnements en vue d’envisager des concertations ultérieures pour apporter les correctifs nécessaires. On peut penser que le Gouvernement a encore du temps, mais, avec tous les problèmes rencontrés, nous pensons qu’on peut prendre les devants et déblayer le terrain, en faisant le bilan des élections passées, y compris de la Présidentielle de 2019, en ce qui concerne notamment la question du parrainage à la Présidentielle.’’

Relativement aux questions pendantes, le non aligné est d’avis que la Justice doit hâter le pas. Pour décrisper l’espace, il faudrait que la Justice, qui a certes son temps, sache que l’opinion, le peuple sénégalais, au nom de qui la Justice est rendue, a besoin que ces questions soient vidées pour que nous puissions passer à autre chose. Il faut tenir compte du contexte pour que les questions pendantes soient vidées, le plus rapidement possible.’’

MOR AMAR

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