Publié le 30 Jun 2018 - 03:04
SENEGAL-COLOMBIE

La famille de Moussa Konaté effondrée

 

Quelle déception ! Chez la famille de Moussa Konaté, on n’en revient toujours pas. ‘’EnQuête’’ s’est invité dans le salon des parents de Konaté où une atmosphère insoutenable a régné à la fin du match.

 

Santessou ! Le quartier de Moussa Konaté est plongé dans un calme plat, à quelques heures du match devant opposer le Sénégal à la Colombie. Les habitants étaient tous chez eux à attendre le démarrage de la rencontre. Sur plusieurs pans du mur, le portrait du joueur trône. La demeure des Konaté n’est pas encore dans l’effervescence. Le papa de Moussa est absent, il est parti en ville, nous dit-on. Mais quelques minutes avant le coup de sifflet de l’arbitre, Abdoulaye Konaté, père de Moussa, arrive et s’installe dans le salon. Des photos encadrées du joueur d’Amiens (Ligue 1 française) sont accrochées au salon. Un lion en bois est posé sur la table qui supporte l’écran plat. Une chaise en bois, sur laquelle est sculptée le nom de Moussa Konaté, est posée dans le salon, à côté de grands fauteuils.

Le repas est servi. Du ‘’caldou‘’. Est-ce le plat du ‘’Lion’’ de la maison ? Non ! Répondent en chœur ses parents. ‘’Moussa aime le ‘’sombi guerté’’ (riz bouillie avec de l’arachide en poudre, Ndlr), confient-ils. Après quelques bouchées, voilà que les joueurs entrent sur la pelouse. Bouchra, la maman de Moussa, n’arrive plus à manger. Elle pose sa cuillère, se retourne pour faire face à l’écran géant. Elle n’arrive pas à voir les images, puisqu’un ventilateur l’en empêche. D’un pas hâtif, son mari le déplace vite avant de revenir s’asseoir pour apprécier l’entrée de l’équipe nationale.  Le repas se poursuit entre bouchées et coups d’œil vers l’écran.

Le repas fini, tout le monde a les yeux fixé sur le petit écran. Shérif, l’oncle de Moussa, les rejoint, tous coincés dans les grands fauteuils. Chacun prend ses aises afin de bien suivre la partie. ‘’Non, ils vont tuer quelqu’un. Cela ne se fait pas’’, crie Abdoulaye Konaté qui s’engouffre dans sa chambre avant d’en ressortir chapelet à la main. En fait, c’est l’électricité qui vient d’être coupée. Son frère Shérif, avec qui il suit tous les jours les matches, allume la radio de son téléphone portable pour écouter la retransmission du match. Quelques minutes après, le courant est rétabli. Abdoulaye ressort de sa chambre. ‘’C’est faible’’, crie-t-il lorsque Keïta Diao Baldé rate son premier tir. ‘’Ces reporters vont tuer les gens’’, hurle-t-il encore.

A la mi-temps, Abdoulaye aperçoit un ancien joueur de la Colombie et s’écrie : ‘’Valderrama ! Oh ! Regarde-le avec sa tignasse. Valderrama, c’est mon idole. Il jouait trop bien’’. Il parle de Carlos Alberto Valderrama Palacio, un ancien footballeur international colombien, qui évoluait au poste de milieu offensif. Plongé dans ses souvenirs, il rappelle : ’’Y avait aussi Andrés Escobar Saldarriaga dit ‘Andrés Escobar’. Il a été tué après avoir marqué un but contre son camp ayant entraîné l'élimination de son pays lors de la Coupe du monde 1994. Il a été criblé de balles. Escobar avait mis le ballon dans son propre camp, lors du deuxième match des Cafeteros perdu (2-1) contre les États-Unis (le 22 juin1994), en voulant écarter le ballon en corner d'un tacle en extension. En effet, Abdoulaye fut un grand joueur. Il a évolué au Réveil et à Aline Sitoé de Ziguinchor, comme attaquant de pointe.

La famille reste plutôt modérée dans les commentaires. ‘’Tous leurs espoirs reposent sur les coups de pied arrêtés’’, commente Shérif Konaté, dès qu’il voyait un Colombien à terre. Malgré la fraicheur que brassait le ventilateur, la maman de Moussa n’arrêtait pas de se ventiler avec son voile ou un journal qu’elle tenait en main. ‘’Mais faites un changement, nom de Dieu ! Ils sont fatigués’’, commente-t-elle. Lorsque Luis Muriel s’apprêtait à tirer un coup franc, Abdoulaye renouvelle ses commentaires. ‘’Faites attention au n°13’’, prévient-il. Comme par magie, un joueur sénégalais se retourne pour marquer ce joueur en question. Malheureusement, les alertes du papa de Moussa étaient vaines. Car c’est ce 13, Yerry Mina, qui marque le but tant redouté par Konaté père.

A l’entrée du chouchou de la maison, les cris et les jubilés fusent de partout. Malheureusement, sa présence sur le terrain ne sauvera pas le Sénégal.

‘’Je suis très déçu. On avait tout pour gagner. C’est très difficile. Je ne peux pas et sincèrement je ne trouve pas les mots. On ne sait pas où se trouve le couac. C’est des situations qui peuvent blesser, qui peuvent même tuer. Parce que moi, là, je suis abattu’’, confie le papa de Moussa ému. Dans la douleur, il essayait sans succès de retenir ses larmes. Bouchra, de son côté, ne comprenait pas ce qui se passait. ‘’Mais que se passe-t-il ? C’est vrai qu’on ne passera pas ?’’. Vous n’y croyez pas ?, lui rétorque-t-on. ‘’Non, répond-elle’’. Une élimination qui demeure insoutenable chez les Konaté et même pour tout le quartier de Moussa.

KHADY NDOYE (MBOUR)

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