Publié le 12 Jun 2013 - 18:27
ABC

Un mystère de gâchis

 

Un bicéphalisme au sommet de l'Alliance pour la République pour une brouille présumée dont personne ne parvient à en expliciter les termes. C'est le spectacle inattendu qu'offrent Macky Sall et Alioune Badara Cissé dès après l'élection du premier à la tête du pays. Mais au sein du parti présidentiel, une constance se dégage : ABC a pris la grosse tête et ne s'en est pas rendu compte...

Il y a un vrai cas Alioune Badara Cissé à l'Alliance pour la République ! Un casse-tête que le président de la République et les responsables et militants sont quasi contraints de «gérer» avec tact et prudence pour éviter un grand schisme qui ne serait pas le bienvenu en cette période où les défenses du régime varient de pâle à plus ou moins engagé. Aujourd'hui, il apparaît que le «coordonnateur général» du parti présidentiel donne l'impression de vouloir rester un «électron libre», délié des «rigueurs» de communication qu'imposent en principe l'exercice et la gestion du pouvoir.

Mais cette posture qui est particulièrement difficile à tenir dans la durée, pour ne pas dire impossible, est insuffisante à renseigner sur les vrais objectifs visés par l'ex-ministre des Affaires étrangères, d'autant plus que lui-même met justement un soin stalinien à encadrer sa communication dans les limites des dits objectifs. Oui, il y a bien un mystère ABC dont l'épaisseur va de A à Z.

«Il croit que le parti, c'est lui»

Entre ces deux extrêmes, il y a du tout que de hauts responsables de l'Alliance pour la République se plaisent à décrypter. Indépendance d'esprit et d'action, fractionnisme, talents, ego surdimensionné, orgueil mal ajusté... Alioune Badara Cissé concentre sur lui les superlatifs positifs et négatifs. «On dirait qu'il jouit à se faire coller les étiquettes les moins reluisantes», lâche un cadre de l'Apr. «Mais il est ainsi fait qu'il a le souci permanent d'être en repérage sur les radars de l'actualité», s'inquiète un autre. Qui ne comprend pas pourquoi et comment un «acteur incontestable» de la victoire historique de Macky Sall sur le dinosaure Abdoulaye Wade a pu ainsi «fragiliser ses liens» avec le nouveau chef de l'Etat. «En clair et net, explique un membre du Directoire de l'Apr, Alioune Badara Cissé n'a aucune considération à l'endroit de Macky Sall, c'est cela la vraie réalité. A ses yeux, le parti tout entier se résume à lui et à Macky, et ce dernier n'est que l'homme par défaut sur qui est tombée la grâce de la victoire.» Aujourd'hui, «l'heure devait être à la cohésion interne pour faire face aux défis des promesses que nous avons faites aux Sénégalais avant de prendre le pouvoir», souligne un autre cadre apériste. «On se retrouve à devoir gérer une telle pointure comme d'un boulet, et ça, c'était franchement inattendu.»

ABC, éternel incompris ou perpétuel solitaire ? «Reconnaissons-lui une certaine capacité de résistance face à l'adversité», concède un haut fonctionnaire fidèle à l'Apr. Un trait de lueur qui remonte à la guerre déclenchée par les Wade contre Macky Sall et au cours de laquelle l'ex-futur chef de la diplomatie sénégalaise a joué un «vrai rôle dans la stratégie de containment de la furie» du Vieux et de son fils. «Mais, toutes considérations d'amitié mises à part, Macky ne lui doit plus rien car c'est avec lui qu'il a commencé à assumer de vraies responsabilités d'Etat», indique un habitué du Palais de la République. Conseiller spécial du Premier ministre Sall à partir de 2004, Alioune Badara Cissé joue un rôle essentiel dans l'ascension du fondateur de l'Apr. «Il a souvent été sectaire, indique un ancien de la Primature, mais il faut lui reconnaître ce succès d'avoir protégé Macky grâce à son intelligence et sa capacité d'anticipation sur les événements.»

«Bouclier pour Macky»

Aujourd'hui, les apéristes, responsables et militants, épiloguent beaucoup sur le «cas ABC». Mais chez certains d'entre eux, seule une froideur toute politique, en dehors des sentiments qui ont pu souder les relations entre les deux hommes, permet de comprendre l'imbroglio actuel. «Alioune n'a pas encore compris encore moins intégré que Macky Sall est devenu LE président de la République du Sénégal, analyse un apparatchik du parti. Il tarde encore à accepter que son ami Macky ne peut plus maintenir le type de relation qui a fondé leur amitié puis leur action politique commune. Ce n'est pas à Macky Sall de le lui faire comprendre car Alioune est assez intelligent et averti pour le savoir. Malheureusement, il n'en est pas encore à cette vraie culture d'Etat qui distingue les hommes d'Etat des hommes de détails, ce qui est d'ailleurs valable pour la plupart d'entre nous qui découvrons le pouvoir grâce à notre champion.»

Dans les allées du pouvoir, rares sont ceux en mesure de dire «les vraies raisons» de la brouille survenue entre Macky Sall et Alioune Badara Cissé. Si évidemment brouille il y a ! Mais on retiendra le fin mot d'un très proche du président de la République selon qui «ABC ? C'est un vrai gâchis ! Ce même gâchis qui l'a empêché en 2009 de devenir maire de Saint-Louis... On n'y comprend rien !» Faut-il recourir à une thérapie de psychologie de groupe ?

 

MOMAR DIENG

 

 

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