La fin amère d’un long compagnonnage

Le 30 mai dernier, Barthélemy Toye Dias lançait son mouvement dénommé Sénégal Binu Bokk. Cet acte du désormais ancien maire de Dakar venait d’acter la fin du compagnonnage entre lui et son pygmalion de toujours, Khalifa Ababacar Sall. Comme quoi, en politique, même les relations les plus vigoureuses peuvent bel et bien s’affaiblir et se briser. Toutefois, contrairement aux clashs politiques du passé, celui-ci comporte des retombées assez particulières.
Comme Wade contre ses ‘’fils politiques’’, en l’occurrence Idrissa Seck et Macky Sall, il arrive bien souvent que les lieutenants chahutent leurs supérieurs, au point de vouloir intenter un ‘’coup d’État’’. Soit le chef aspire à changer les règles du jeu afin de s’éterniser au pouvoir, soit les jeunes loups, subitement plus voraces, souhaitent être à la tête de leur propre meute. Sur cette nouvelle page des divorces politiques, nous ne sommes pas très loin de ce scénario.
Même dans leur dernière sortie, les khalifistes laissent entendre avoir ‘’essayé de sauver les meubles’’. ‘’Sur instruction de Khalifa Sall, nous avons mené une double bataille, politique et juridique, pour que Barthélemy Dias conserve son fauteuil’’, soulignait notamment le maire de Yoff et membre de Taxawu Sénégal, Seydina Issa Laye Samb.
Mais la veille du scrutin pour élire le nouveau maire de Dakar, Barth s’en était pris à ses camarades opposants, Taxawu Sénégal y compris. ‘’Tous ceux qui mettront les pieds demain à la Ville de Dakar pour l’élection sont dans l’illégalité’’, avait-il soutenu lors d’une conférence de presse.
Un divorce qui était inéluctable
À presque 70 ans, Khalifa reste toujours ‘’jeune’’ pour tenter une nouvelle fois sa chance lors de la prochaine élection présidentielle de 2029. On s’imagine que le socialiste a bien cette idée quelque part dans sa tête. Par exemple, Me Wade a dû patienter jusqu’à son 74e anniversaire pour devenir le nouveau locataire du palais, après moult tentatives.
Or, un Khaf candidat dans un contexte de compagnonnage n’aurait fait que retarder l’entrée en lice de Barthélemy Dias pour des ambitions encore plus élevées ‘’qu’une simple mairie’’. Ce divorce, peut-être pas voulu, est une ‘’libération’’ pour Dias fils.
Au-delà des ambitions politiques immédiates, l’opposition de style entre ses deux disciples de l’école socialiste est peut-être passée par là. Khalifa Sall incarne le politicien classique, la vieille école faite de meetings et autres ‘’accessoires’’. À l’opposé, BTD, c’est la fougue de jeunesse, l’homme politique 2.0. Dias fils voudrait impulser un souffle nouveau, apporter sa touche personnelle, être une force de proposition.
C’était d’ailleurs le cas lors de son ‘’Sampou national’’ pour le lancement de la vente des cartes de membre de son mouvement Sénégal Binu Bokk.
Adieu à la mairie de Dakar…
Même si Barthélemy Dias et Taxawu Sénégal ont perdu la mairie au profit de Pastef, ils pourraient récupérer leur précieux bastion en moins de deux ans. Car les prochaines élections municipales arrivent en 2027. Il est clair que cette rupture entre les deux hommes fragilise d’ores et déjà les maîtres de la capitale (2009-2025) dans l’optique des futures échéances territoriales.
Toujours est-il que 2027 est déjà une opportunité pour les nouveaux protagonistes de s’adonner à un vrai duel au niveau national – mais aussi et surtout pour la reconquête de la capitale. Même s’il est improbable de jouer un vilain tour au Pastef lors de cette échéance, Barth et Khaf, dans cette compétition, connaîtront qui est le vrai ‘’borom ndakarou’’.
Mais en politique, il ne faut jamais dire jamais : on a souvent droit aux alliances les plus loufoques.
Cependant, 2027 ne serait qu’un premier round. Juste deux années plus tard, l’élection présidentielle fera son retour. BTD et son ancien mentor croiseront sans doute encore le fer. Une ultime bataille qui viendra sans doute mettre définitivement fin à ce clash, quelle que soit l’issue du scrutin de 2029.
MAMADOU DIOP