Successeur de Mamour Diallo, Mame Boye Diao a désormais la lourde mission de prendre en charge la lancinante question de la bombe foncière érigée au rang de priorité par le président Macky Sall, à l’orée de son second mandat. Une patate chaude qui peut ouvrir soit les boulevards de la gloire, soit de la décadence.

Rien ne le présageait. Mais, par les temps qui courent, le président de la République, Macky Sall, semble avoir la main très chaude. Il signe à tout va : nominations comme défenestrations. Parmi ses dernières ‘’victimes’’, Mamadou Mamour Diallo, ci-devant directeur des Domaines. L’homme a tout bonnement été limogé, lors du Conseil des ministres de mercredi dernier. Déjà, les commentaires vont dans tous les sens. Pendant que les uns applaudissent, pensant que la décision de le remplacer est la suite logique de l’affaire des 94 milliards de francs Cfa qui l’oppose au député Ousmane Sonko, d’autres relativisent en prédisant un retour en force du désormais ex-patron des Domaines. Peut-être dès la semaine prochaine, précise dans sa livraison d’hier le journal ‘’Libération’’.

Quoi qu’il en soit, ce changement soulève bien des interrogations dans la gestion de ce service étatique d’une importance capitale. Ayant en charge, ou à tout le moins un droit de regard sur presque tout ce qui se fait en matière foncier et domanial, le directeur des Domaines, au Sénégal, fait généralement l’objet d’une surveillance particulière. Au centre de plusieurs polémiques, Mamour Diallo est ainsi parti, laissant sur place l’épineux dossier du fameux titre Bertin de Bambilor qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Ainsi, perd-il ce délicieux et juteux fromage qui fait courir beaucoup de fonctionnaires à la Direction générale des Impôts et domaines.

C’est d’ailleurs l’un d’eux qui a été promu. Il s’appelle Mame Boye Diao. Ces derniers jours, il s’est fait surtout remarquer par des sorties virulentes. Il est allé jusqu’à menacer de geler ses activités de militant. Le moins que l’on puisse dire est que ses menaces ont peut-être porté leurs fruits. Mais devrait-il pour autant jubiler, si l’on sait que la problématique foncière, qui lui est désormais confiée, est souvent l’objet de nombreux litiges entre populations, mais aussi entre ces dernières et les pouvoirs publics ?

Mieux, cette question a eu à envoyer bien des agents de l’Etat en prison. L’exemple de Tahibou Ndiaye en est une parfaite illustration. Toutefois, il convient de rappeler que, dernièrement, le président de la République a fait beaucoup de sorties pour décréter la fatwa contre ceux qui bradent les ressources foncières du Sénégal. Le nouveau boss aura-t-il le courage et la poigne nécessaires pour mettre de l’ordre dans la gestion du foncier et du domaine de l’Etat ? Les attentes sont en tout cas immenses, de Diamniadio à Yenne, en passant par Rufisque et en zone rurale où les conflits fonciers font florès.

Récemment, le chef de l’Etat a même parlé de ‘’fléau’’ et promis de prendre des mesures pour y mettre un terme. Pour lui, cette question peut être "un élément de déstabilisation" de la paix sociale, si l’on y prend garde. Dans sa ligne de mire, il fait particulièrement attention aux zones des Niayes et aux pôles urbains de Diamniadio et de lac Rose dont il dit vouloir protéger les écosystèmes. ‘’Je voudrais dire solennellement que je ne laisserai pas la frénésie de la spéculation foncière détruire cette zone (les Niayes) d’intérêt vital pour les producteurs agricoles et la nation tout entière’’, affirmait-il en Conseil des ministres le 10 avril dernier. Ce discours, Macky Sall l’avait également tenu lors de la cérémonie de prestation de serment le 2 avril dernier.

Mais le chef de l’Etat ne veut pas se limiter à protéger la zone des Niayes. Il s’intéresse également à l’occupation des terres dans les pôles urbains et partout dans le pays. Toujours lors de la cérémonie de prestation de serment, il disait : ‘’Dans le processus d’aménagement des nouvelles zones urbaines de Diamniadio et du lac Rose, je réitère l’attention particulière que j’accorde à la préservation de l’écosystème…’’

C’est que Macky Sall, durant son nouveau mandat, envisage de lancer ‘’un vaste programme pour la construction de 100 000 logements’’. A l’en croire, ‘’chaque famille sénégalaise, quels que soient ses revenus, doit pouvoir accéder à un logement décent, à un coût accessible’’. Bien avant, il faisait savoir aux populations de Diamniadio qu’il avait déjà ‘’instruit le gouvernement, sous la supervision du gouverneur de la région de Dakar et du préfet de Rufisque, d’arrêter cette frénésie de l’accaparement des terres et de ne plus prêter main-forte à qui que ce soit pour venir dépouiller des populations". Il ajoutait que cette spéculation est ‘’inacceptable, et si on y prend garde, la question foncière va être un élément de déstabilisation de notre paix sociale. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Je n’interviendrai plus sur ce sujet, mais je serais très attentif à ce qui se passera à partir de maintenant".

En un mot comme en mille, le président de la République dit ainsi vouloir désamorcer cette bombe foncière. Sauf que, généralement, les services de l’Etat ou les collectivités locales sont directement mis en cause. Et du côté de l’Etat central, le bras armé, outre le Cadastre, c’est surtout la Direction des Domaines. Le choix des hommes à la tête de ce département est donc plus que déterminant pour une mise en œuvre efficace des directives présidentielles. Avant l’avènement du régime de Macky Sall, c’était surtout le règne des fonctionnaires technocrates qui n’avaient pas de coloration politique. Depuis quelques années, la tendance a été renversée et il faut être estampillé Apr pour avoir en charge les terres sous le contrôle de l’Etat. Un changement de paradigme que certains ne manquent pas de dénoncer, s’appuyant sur la sensibilité de la question et les penchants boulimiques des hommes politiques.

Les missions de la Direction des Domaines

En fait, les enjeux dans cette direction sont énormes. Cette direction est, en effet, compétente en matière de conception de stratégies relatives à la gestion foncière et domaniale, de suivi de leur mise en œuvre… Il en est de même de la mise en œuvre, au plan opérationnel, des missions foncières et domaniales de la Dgid, de la gestion du domaine de l’Etat, de la centralisation des données et de l’élaboration du tableau général des propriétés de l’Etat, du contrôle de la gestion des biens vacants et sans maître ou placés sous séquestre en conséquence d’une mesure de sûreté générale…

La Direction des Domaines a également en charge la surveillance des opérations foncières relatives au domaine national, l’appui à la mise en place de conditions pour une bonne conservation de la propriété et des droits fonciers, notamment en lien avec l’instauration d’un système d’information cadastral, la production d’études se rapportant à la matière foncière et domaniale, le suivi de l’exécution des projets domaniaux d’envergure nationale ou d’intérêt général… Il entre toujours dans le cadre des missions de ce service stratégique : la représentation du directeur général des Impôts et domaines dans le contentieux juridictionnel relatif au domaine de l’Etat en relation avec la Direction du Cadastre ; l’assistance au directeur général dans la gestion du contentieux administratif foncier et domanial en relation avec la Direction du Cadastre, le contentieux du loyer, l’administration et le suivi de l’exécution des crédits budgétaires ouverts en matière d’acquisition de biens immobiliers par l’Etat et d’expropriation pour cause d’utilité publique. La Direction des Domaines est enfin chargée de rendre exécutoires les titres de perception émis en matière domaniale par les services placés sous son autorité.