Publié le 22 Oct 2013 - 16:30
CONCERTATIONS ANNONCEES SUR L'ACTE 3

le volontarisme presidentiel face a des ecueils de taille

 

Après plusieurs semaines de cafouillages et de quiproquo dont l'une des conséquences a été le limogeage de l'ex-ministre des Collectivités locales Arame Ndoye, le pouvoir lance à partir d'aujourd'hui des concertations sur l'Acte 3 de la décentralisation. Une occasion de convaincre les acteurs politiques et de la société civile à faire leur cette entreprise dite de territorialisation des politiques publiques. Mais des interrogations subsistent sur les modalités d'organisation de ces rencontres d'ores et déjà boycottées par le Parti démocratique sénégalais.

 

C'est donc aujourd'hui que débutent, sur initiative du président de la République, les concertations sur l'Acte 3 de la décentralisation. Les cafouillages plus ou moins orchestrés en rapport avec le respect ou la violation du calendrier républicain, et les batailles feutrées autour de cette nouvelle étape de la politique de responsabilisation de collectivités locales ont en partie empoisonné l'ambiance de sérénité qui devait accompagner ce processus. Il est bien évident que les calculs politiques ne sont jamais absents dans ce type de réforme qui remembre, renomme pour l'essentiel et redéfinit dans de nouvelles limites territoriales les collectivités décentralisées dans notre pays. Mais l'espèce de légèreté avec laquelle la démarche semble avoir été conduite pourrait conduire à des blocages sérieux en chemin car ce qui est envisagé en termes de changements n'a de chance de succès que dans l'entente et le compromis dynamiques entre acteurs de la décentralisation que sont les partis politiques, le peuple des élus locaux et la société civile avec ses composantes du monde rural.

Ce qui est envisagé dans cette réforme dite de l'Acte 3, c'est une remise en cause profonde du schéma actuel de la décentralisation qui n'est pas loin d'être un échec majeur, en dépit des espoirs suscités en 1996. Il est question d'une «communalisation universelle» du territoire national, ce qui entraînera la suppression pure et simple des communautés rurales dans leur forme actuelle pour laisser place à des communes. Sur un autre palier, il est aussi question de transformer le département en une nouvelle entité territoriale qui serait plus ou moins l'équivalent du Conseil général en France, et dont les membres seraient issus du suffrage universel indirect.

Cadre de confiance

De manière générale, l'esprit de ces mutations territoriales qui nous renverraient à des séquences fondamentales de notre histoire et de nos traditions politiques ancestrales, viserait à intégrer les nouveaux pôles décentralisés dans une modernité politique et institutionnelle apte à permettre leur autodétermination financière dans un ensemble étatique dont les tenants ont d'autres gros chats à fouetter. Toutefois, les experts de la décentralisation ont fini de démontrer que viabilité territoriale et capacité financière sont la colonne vertébrale de toute entreprise réussie dans ce domaine.

Pour toutes ces raisons, il est donc curieux que le président de la République n'ait pas pris le soin et le temps de mettre en place le cadre de confiance idoine ainsi que les dispositions les meilleures afin que ce processus vital pour le Sénégal des prochaines années ne finisse point en eau de boudin. En laissant se développer des frustrations fortes et des oppositions farouches à l'Acte de la décentralisation, le pouvoir central a grillé ses propres ambitions, cristallisé le soupçon sur un agenda qui semble avoir été préconçu, et amenuisé les chances d'une réforme pourtant souhaitable pour mille et une raisons

Dakar, cas morte !

Par exemple, Dakar ne peut continuer à tolérer 19 communes d'arrondissement dans son épicentre, toutes pauvres en ressources, incapables de se prendre en charge, contraintes de taper sur d'autres pauvres citoyens ou entreprises pour leur arracher une part de ses moyens de subsistance, s'appuyant sur cette béquille qui empêche de sombrer : les loumas ou marchés hebdomadaires. C'est caricatural peut-être, mais c'est la réalité de vie concrète de ce type de collectivité locale. D'où la nécessité d'une mutation en des ensembles «plus sérieux».

Le président de la République a-t-il vraiment bien posé les jalons de cette entreprise ? Le volontarisme dont il fait preuve sur la question peut être salué, mais cette qualité ne se transforme-t-elle pas en défaut à partir du moment où elle comprime dans un temps réduit toutes les étapes nécessaires à une appréhension populaire de la réforme par les couches essentielles de la société sénégalaise ? L'émiettement territorial du pays consacré à partir de 1996 doit-il laisser place à une autre politisation de la décentralisation, cette fois au bénéfice d'un nouveau pouvoir, fût-il largement élu en mars 2012 ? Il semble que la réponse soit simplement «non». Si l'Acte 3 est autant défié que souhaité, c'est que les acteurs et populations en espèrent le meilleur pour leur quotidien et leur avenir, tout en craignant, par retour de bâton politicien, un jacobinisme autrement habillé qui serait en fait une nouvelle centralisation politique de la décentralisation.

 

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