Publié le 21 Mar 2020 - 00:37
CORONAVIRUS ET COUPURE D’EAU

Le cocktail explosif

 

Au moment où l’Etat demande à la population de respecter les mesures d’hygiènes, surtout en se lavant régulièrement les mains avec de l’eau et du savon, le Sénégal est confronté à des coupures d’eau. Beaucoup de zones sont sans eau, depuis des mois, des semaines et des jours. La population se demande comment se prévenir du coronavirus sans le liquide précieux.

Reportage.

‘’Tout d'abord, il faut se laver régulièrement les mains avec un produit à base d'alcool ou les laver à l'eau et au savon. Se toucher le visage après avoir touché des surfaces contaminées ou des personnes malades est l'un des modes de transmission du virus. En se lavant les mains, on peut réduire les risques. Pour la prévention de ce virus, il est conseillé de se couvrir la bouche et le nez avec le pli du coude ou avec un mouchoir en cas de toux ou d’éternuement. De jeter le mouchoir immédiatement après dans une poubelle fermée et se laver les mains avec de l’eau et du savon’’. Ce sont les mesures d’hygiène que préconise l’Organisation mondiale de la Santé (Oms) dans la lutte contre la Covid-19.

Elles sont répétées à outrance par le ministère de la Santé et de l’Action Sociale. Car, elles freinent la propagation du virus. Sauf qu’au Sénégal, l’eau est devenue une denrée rare, à cause des coupures inexplicables, dans certaines localités. Qui sont sans eau, depuis des mois. D’autres restent des semaines, des jours, sans une goutte d’eau. Comment peut-on lutter contre ce virus, alors qu’on n’a pas le minimum. C’est une situation qui désole aux Parcelles Assainies, Fann Hock, Ouakam cité Monument, Nord Foire, Yeumbeul cité Comico, Cité Soprim, Sicap Foire, Guédiawaye, pour ne citer que ces localités.

Au Parcelles Assainies, à l’unité 22, dès l’aube, les robinets sont fermés jusqu’à tard dans la nuit, à 23 heures voire 00 heure. A l’unité 23 et à la cité Damel, c’est pire. Les habitants ne voient la couleur de l’eau qu’à 3h du matin. Avant 4 heures du matin, les robinets sont fermés. ‘’C’est vraiment écœurant ce que nous vivons. Où est ce qu’on va trouver l’eau pour se laver fréquemment les mains, alors que les robinets sont quotidiennement fermés. L’Etat doit prendre des dispositions. Si Suez est incapable de fournir de l’eau à la population, qu’on trouve une solution. On est menacé par ce virus et il ne faut pas qu’une société nous tue’’, peste Aliou Diop, un vieux retraité qui lit son journal devant sa maison à la cité Damel.

Selon ‘’Pa Diop’’, c’est ainsi que l’appelle son entourage, sa famille est obligée, tous les jours, d’utiliser des réserves pour faire leurs besoins. ‘’Ma femme met de l’eau de javel dans les bassines, afin de pouvoir l’utiliser. Il faut que l’Etat réagisse. On est en danger. L’eau est le premier dispositif à mettre en place’’, déclare l’octogénaire.

Les coupures d’eaux freinent le respect des mesures d’hygiènes

Dans la même citée, les habitants qui ont la paresse de se lever à ces heures pour remplir les bassines n’ont pas d’eau. Ils sont obligés d’acheter, tous les jours, de l’eau minérale pour leurs besoins. Pour eux, l’achat n’est pas un problème. Ce qui les dérange, c’est la discrimination et le non-respect dont ils font objet. Alice Sagna vit à la cité Damel, depuis plus de 5 ans avec sa famille. Pour elle, depuis qu’ils se sont installés sur les lieux, ils n’ont jamais eu d’eau courante. Une situation qu’ils dénoncent depuis longtemps, mais que l’Etat peine à régler. ‘’Je ne vais pas me lever à 4 heure du matin pour chercher de l’eau qui va repartir, moins d’une trentaine de minutes plus tard. On préfère acheter, tous les jours, de l’eau minérale, même si cela a un coût. Je n’ose pas vous dire combien nous dépensons par mois pour nous approvisionner en eau. Mais, je rends grâce à Dieu, parce qu’il nous donne tous les jours les moyens’’, dit-elle.  

Le plus grand souci d’Alice, ce sont ses enfants. ‘’Quand j’achète les bouteilles, je verse une partie dans une bassine pour permettre à la famille de se laver tout le temps les mains. Mais, j’ai lu dernièrement dans un journal qu’on doit utiliser de l’eau courante. C’est problématique. C’est pourquoi, j’ai acheté une pompe que j’ai mis dans les bouteilles pour se laver les mains. On court deux dangers ici, le manque d’eau et le virus. L’Etat doit régler cette affaire’’, fulmine la dame.

La façon de vivre des habitants de Damel n’est pas nouvelle, soutient Saliou Dem, un commerçant. ‘’Nous prions tous les jours pour que la maladie ne se propage pas dans tout le pays. Parce que cela sera une catastrophe. Nous courons un grand risque. On demande aux citoyens de respecter les règles d’hygiène, sans pour autant mettre les dispositions qu’il faut. Il faut que l’Etat règle les coupures d’eau, pour permettre à la population de respecter les mesures. Sans cela, la lutte sera vaine’’, précise Saliou Dème.

Aux unités 22 et 23 des Parcelles, c’est une citerne qui approvisionne les habitants en eau, depuis plus de deux mois. Mais, avec le coronavirus, les gens ont peur. ‘’Depuis que l’on parle de la maladie, je n’utilise plus l’eau de la citerne pour faire la cuisine. Ce n’est pas prudent. On ne sait pas d’où vient l’eau des citernes. Il faut que l’Etat agisse le plus rapidement possible. Nous sommes en danger’’, fulmine Madeleine Mendez.

L’incapacité de la société SEN’EAU indexée

Sa colocataire Elisa Gnoucky pense que c’est la société SEN’EAU qui n’a pas la capacité de fournir tout le pays en eau. ‘’Je ne peux pas comprendre, avec tout le tintamarre qu’ils ont fait, que quelques mois après, on se retrouve toujours avec des coupures d’eau. L’Etat doit arrêter de signer des partenariats n’importe comment, avec n’importe qui. Cette société est incapable, il faut le reconnaitre’’, tonne-t-elle. Pour cette jeune fille, normalement avec la pandémie du coronavirus, l’approvisionnement en eau doit être une exigence et une priorité.

‘’Il ne devrait même pas y avoir des coupures d’eau. Hier, j’ai regardé une vidéo où Macky Sall relevait le défi de Paul Kagame, en se lavant les mains. Sauf que Chez Kagame, il y a de l’eau, alors que ce n’est pas le cas chez lui. Avant de relever le défi, il devait s’assurer de la situation de son pays. Donc, qu’il trouve une solution à ces coupures d’eau, après on pourra respecter ce qu’il dit’’, dit Elisa. Qui déplore le mutisme de l’Etat par rapport à la situation. ‘’Ils savent que certaines zones n’ont pas d’eau. Mais l’Etat préfère faire l’Autruche. Il y a une rupture de gels hydro-alcooliques, il s’y ajoute le manque d’eau. Comment pouvons-nous nous protéger, alors que nous n’avons pas d’eau, arrêtons cette hypocrisie’’, peste-t-elle.

A Fann Hock rue 70x63, la famille Bâ habite au 4e étage. Depuis deux jours, elle n’a pas d’eau. ‘’Ce manque d'eau est très fréquent, ici. En plus, quand cela commence, on reste parfois plus de 10 jours sans eau. C’est très difficile de descendre pour chercher de l'eau. Dans ce contexte, avec le coronavirus, c'est encore plus inquiétant. Pour respecter les mesures de prévention, il faut se laver fréquemment les mains. Avec le manque d'eau, c'est impossible’’, explique la cadette Safra Bâ. Le malheur, dit-elle, est que quand les robinets sont coupés, même la nuit, l’eau ne vient pas, comme dans certains quartiers.

‘’Dans notre appartement, tout le monde travaille. Certains travaillent dans les restaurants et autres grandes surfaces. Ils sont toujours en contact avec du monde. Hier, j’étais au bureau et ma colocataire m’a envoyé un texto m’informant qu’il y a coupure d’eau. Depuis lors, je suis angoissée et très inquiète’’, dit-elle.

En ce moment, tous les esprits sont tournés vers l’annonce des cas positifs. Alors que, si le pays n’est suffisamment ni couramment approvisionner en eau, le risque sera beaucoup plus élevé. Tous les moyens d’hygiène doivent être mis à la disposition de la population. SEN’EAU et l’Etat doivent le comprendre et tout mettre en œuvre pour cela, au moment où les tournées et les journées de sensibilisations sont organisées partout pour que les gens se prémunissent.

La population dénonce et se lamente du manque d’eau. Elle demande une solution diligente.

VIVIANE DIATTA

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