Publié le 18 Jun 2015 - 18:03
LE CHAMP POLITIQUE EN EBULLITION

L’ère des ruptures douloureuses

 

Le contexte politique actuel est bouillonnant et reste marqué par des ruptures douloureuses. En matière de cohésion interne dans les partis, les six derniers mois semblent très difficiles pour la classe politique. En un semestre, il y a eu presque autant de mortal kombat qu’il y en a eu durant toute la décennie passée. Les aspirations à plus de démocratie et de changements sont certes anciennes, mais le contexte lui, est tout aussi nouveau que favorable.

 

Le Sénégal a déjà connu des ruptures politiques difficiles entre camarades de parti. De nombreux épisodes ont eu à retenir l’attention de l’opinion, pendant des semaines. Mais, les six derniers mois ont été d’une intensité politique très soutenue. Si on se rapporte à la période 2000 à 2014, où les crises politiques majeures au sein des partis se comptent sur les doigts d’une main. En effet, trois grandes crises internes, trois séparations se sont faites dans la douleur. Il y a l’année 2005 qui a vu la cassure entre Abdoulaye Wade, le père spirituel, et Idrissa Seck, le fils pressé. Ensuite, 2008 entre Macky Sall, le fils timide, et toujours le même père spirituel, Me Wade. Et enfin, le clash entre les anciens compagnons des combats de la gauche, Mamadou Diop Decroix et Landing Savané.

En dehors de ces cas, il y a eu certes des cassures dans plusieurs partis, notamment, au Ps et au Pds. Mais il s’est agi de démissions de responsables, sans tambour ni trompette. On peut citer le cas Robert Sagna du Ps, de Pape Diop, Mamadou Seck, Abdoulaye Baldé, ainsi que Souleymane Ndéné Ndiaye du Pds. En somme, sauf erreur, on a assisté à trois crises majeures, entre 2000 et fin 2014, soit une moyenne d’une crise tous les cinq ans. Rien à voir avec l’effervescence à laquelle on assiste, depuis cinq mois. Le landerneau politique est plein de décomposition-recomposition.

Conflits de générations

Malick Gackou et Moustapha Niasse ont été les premiers à arriver à la solution extrême. Le dernier nommé a en effet décidé que son parti ne présentera pas de candidat. Qu’il soutiendra Macky Sall, lors de la prochaine présidentielle. Depuis lors, Malick Gackou a estimé que le ventre de sa maman politique était devenu trop étroit pour ses ambitions. Il avait besoin de naître pour faire face au monde. Cela n’a pas tardé. On peut dire même que la naissance a eu lieu avant le terme. Moustapha Niasse, ne pouvant plus supporter les coups de pied du bébé, a choisi l’accouchement forcé : l’exclusion.  

A peine cet épisode clos, un autre s’ouvre au Pds. Une fois encore, Me Abdoulaye Wade est au premier plan (le Pds est décidément une formation politique féconde). Son challenger a pour nom Modou Diagne Fada. Lui aussi veut prendre son envol. Il estime être trop longtemps resté dans l’ombre du Pape du Sopi qui doit prendre sa retraite et faire place nette à la nouvelle génération, plus à même de porter les aspirations et les ambitions du parti. Le feuilleton se poursuit et il n’est pas difficile de prédire sa fin. Car en vieux routier, rompu à la chose politique, Wade en a vu d’autres et ne fera qu’une bouchée de Fada et de sa clique, s’il veut rester à la tête du Pds. Fara Ndiaye, Serigne Diop, Ousmane Ngom, Idrissa Seck et même Macky Sall peuvent témoigner de sa mainmise sur le Pds.

Dans le même temps, un vent de révolte souffle au sein de Rewmi où Idrissa Seck est contesté par Omar Sarr qui a initié une fronde dont la finalité est d’exclure l’ex-édile de Thiès. Là aussi, le divorce est consommé entre Idrissa Seck et l’ancien porte-parole de Rewmi.

Aïssata Tall Sall : ‘’Mon ambition… faire élire la première femme présidente’’

Le Parti socialiste, première formation politique du pays, n’échappe pas à ce tourbillon politique. Sauf que là, les protagonistes veulent rendre leur jeu moins visible. Khalifa Sall s’est longtemps opposé à Tanor, à travers Taxawu Dakar dont il a été le candidat, lors des dernières élections locales. Mais depuis lors, le fossé qui les sépare s’est rétréci, avec la décision du Ps d’avoir un candidat. Toutefois, Aïssata Tall Sall ne lâche pas du lest. Sa position ambigüe est devenue un peu plus claire, depuis sa dernière sortie sur Jeune Afrique. Celle qui boycotte les réunions du parti, depuis presque un an, a été très claire sur ses intentions. «Mon ambition, dit-elle, est de faire élire au Sénégal la première femme présidente de la République de l’espace africain francophone’’. ‘’Tirez-en vos propres conclusions’’, ajoute-t-elle à l’intention de son interlocuteur. Le fossé entre la mairesse de Podor et Tanor le ‘’baobab’’ se révèle davantage dans la réaction d’Abdoulaye Willane, lorsqu’on l’interroge sur l’appartenance d’Aïssata Tall Sall au Ps : ‘’Aucun commentaire. C’est à elle de répondre’’. Telle est la réponse de cet inconditionnel de Tanor.

Aspiration démocratique

Ainsi, le bouillonnement politique actuel n’est que la résultante d’une aspiration à plus de démocratie et d’alternance à la tête des partis. Même si ce vœu n’est pas nouveau, il trouve, dans la configuration actuelle, un contexte favorable incarné par deux paramètres : la perte du pouvoir par le Pds et l’existence d’une coalition aussi hétérogène que Bby. En effet, Me Wade reste certes le maître du jeu dans son parti, mais en perdant les leviers du pouvoir, il n’est plus incontestable. Sa parole a cessé d’être de l’Evangile pour les responsables du Pds. Tout devient donc possible : partir comme les uns ou initier un combat à l’interne comme l’autre. Alors qu’au sein de la coalition, le partage des privilèges met à rude épreuve certaines de ses composantes. Le tout est accéléré par la présidentielle en perspective. D’où les tentatives de parricide par là, d’infanticide par ici et de fratricide par là-bas.

BABACAR WILLANE

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