Publié le 5 Mar 2024 - 15:31
Le PDS DANS LE PAYS MOURIDE

Des liens indéfectibles au cœur de la République

 

Le Parti démocratique sénégalais (PDS), qui a animé, ces dernières semaines, l’actualité, a longtemps bénéficié d’un fort ancrage dans le milieu mouride. Ce lien établi sous Abdoulaye Wade s’est manifesté lors de la période préélectorale où les chefs religieux mourides n’ont pas émis de déclaration concernant le processus électoral.

 

Le Parti démocratique sénégalais (PDS) a su constituer durant le magistère d’Abdoulaye Wade un important fief dans le monde du mouridisme. Malgré la chute du ‘’Pape du Sopi’’, les libéraux ont toujours su garder un lien fraternel avec Touba.  Abdoulaye Wade qui, pour des raisons de communication politique, s’est toujours drapé du manteau de ‘’talibé’’ pour s’assurer de l’adhésion et de la sympathie d’une bonne partie de l’establishment mouride.

Ainsi, il n’a pas hésité à distribuer des passeports diplomatiques aux jeunes Mbacké-Mbacké. Un privilège que s’empressa d’abroger son successeur Macky Sall qui va retirer une bonne partie de ces passeports, déclenchant l’ire de cette classe maraboutique mouride. Par souci de “bonne gouvernance”, il a notamment fait confisquer les voitures allouées par Abdoulaye Wade à certains marabouts et dignitaires mourides.  Même s’il a fait volte-face en essayant d’approcher certains dignitaires influents.

Pour rappel, ce dédain envers la classe politique a été magnifié autour d’une phrase indiquant que les ‘’marabouts sont des citoyens comme les autres’’. Une déclaration amplifiée par la sortie de certains de ses collaborateurs jugés caricaturaux contre la communauté mouride a aussi scellé ce divorce entre Macky Sall et Touba.

Pour les politiciens sénégalais, tous les chemins mènent à Touba, quitte à prendre des chemins de traverse.

Malgré ces efforts pour rattraper ce désastre communicationnel, Macky Sall n’arrivera jamais à dompter la ville sainte où son principal challenger Idrissa Seck avait obtenu (les départements de Bambey, Diourbel et Mbacké) 48,49 % des suffrages contre 40,21 % pour Macky Sall. L’exil de Karim Wade, l’absence de leadership au sein des libéraux finira par éroder son électorat au profit de l’ex-Pastef qui gagne beaucoup de points dans la région de Diourbel.   

Malgré le recul du PDS à Touba, au profit de Benno et de l’ex-Pastef, les libéraux gardent toujours une bonne base militante dans la ville de Bamba. Cette dernière n’a pas lésiné sur les moyens pour obtenir la libération de l’ancien ministre de l’Énergie. Dans la nuit de sa libération le 23 juin 2016, Karim Wade avait voulu rendre visite au khalife général de l’époque, Cheikh Sidy Moctar Mbacké, avant de s’envoler pour Doha. Face au refus des autorités, le khalife a dû dépêcher son fils Moustapha Mbacké pour lui prodiguer sa bénédiction avant son départ en exil.

Le renouveau du PDS s’est matérialisé par son bon score dans la ville de Mbacké, lors des Législatives du 31 juillet 2023. ‘’Les responsables politiques sénégalais cherchent dans la sphère religieuse la légitimité qui leur fait parfois défaut dans la sphère politique’’, déclare Bakary Sambe, président du think tank Timbuktu Institut.

L’augmentation des bulletins nuls lors des élections locales qui sous-entendent que les électeurs désapprouvent le choix du candidat du khalife qui est choisi sur une liste unique en raison de la particularité de la commune est aussi un signe de défiance contre Macky Sall et son parti.

Le PDS, trouble-fête du processus électoral

Dans ce contexte de crise électorale, le PDS s’est affiché comme un élément déterminant dans le report de la Présidentielle d’où était exclu Karim Wade pour possession d’une double nationalité. Cette proximité avec la majorité présidentielle va créer un imbroglio politico-judiciaire autour d’une nouvelle date pour l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février 2024. Ce débat a entraîné une flopée de réactions dans le milieu religieux.

Ainsi, si les confréries layenne et niassène ainsi de l’Église catholique ont appelé au maintien du calendrier républicain, Touba n’a pas émis de déclaration à ce sujet. D'après nos informations, Macky Sall avait promis à Touba le retour et la participation de Karim Wade au scrutin présidentiel.

Mais la décision du Conseil constitutionnel, qui a recalé Karim Wade lors de la dernière étape du processus de validation des candidatures, a complètement chamboulé les plans de Macky Sall. Ce dernier pensait que le PDS allait mettre son électorat au service du candidat de Benno, en cas de second tour. Un plan qui ne manquerait pas de bénéficier de l’onction de certains responsables de l’establishment mouride. Ce cheminement semble être la poursuite du pacte de Massalikul Jinaan du 27 septembre 2019, lors de l’inauguration de la mosquée, sous l’égide du khalife général des mourides. Avec comme point d’orgue le Dialogue national de juin 2023. Les critères d’inéligibilité contenus dans les articles L29 et L30 du Code électoral ont pu être validés à la suite de ce dialogue. Un rapprochement qui devait être scellé lors de la Présidentielle avec la candidature de Karim Wade largement plébiscité par les membres du dialogue.

Mamadou Makhfouse NGOM

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