Publié le 19 Mar 2019 - 16:34
MAIN TENDUE DE TANOR A KHALIFA SALL ET CIE

Le dégel après la purgeLe dégel après la purge

 

Après une purge qui a écarté des rangs du parti plus de 70 de ses membres dont Khalifa Sall, Bamba Fall, Aïssata Tall Sall et Barthélemy Dias, le Parti socialiste file tout droit vers un dégel, si jamais la main tendue de son secrétaire général Ousmane Tanor Dieng trouve écho favorable auprès des ‘’dissidents’’.

 

‘’On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage sans’’, disait l’homme politique français et non moins célèbre écrivain André Malraux. En politique, surtout sous nos cieux, la morale est, en effet, le parent pauvre du jeu démocratique. C’est sans état d’âme que les politiques sénégalais agissent très souvent, quand leurs intérêts sont en jeu. Et, couramment, la main qui fait tomber le couperet ne tremble pas. En atteste le mélodrame qui se joue au Parti socialiste depuis plus de 5 ans et qui file tout droit vers un dénouement ‘’heureux’’, si jamais la main tendue d’Ousmane Tanor Dieng, Secrétaire général dudit parti, trouve un écho favorable dans les rangs des dissidents socialistes exclus du Ps, le 30 mars 2017, sur décision de la 9e session du Bureau politique.

Samedi dernier, Ousmane Tanor Dieng et son camp ont profité de la réunion de la 12e session de leur Bureau politique pour appeler les dissidents qu'ils ont eux-mêmes exclus à regagner les rangs du parti, comme si de rien n’était. Le secrétaire général du Ps et ses camarades ont invité sans ambages leurs camarades frondeurs à retourner sur leurs pas et à regagner les rangs du parti. Selon le porte-parole du Ps qui a rendu publique cette volonté d’Ousmane Tanor Dieng, des dissidents comme Banda Diop, Maire de la Patte d’Oie, et Ablaye Martin Samb, adjoint au maire de la Médina, ont acté leur retour lors du scrutin présidentiel. Mieux, souligne Abdoulaye Wilane, au-delà de ces deux responsables, d’autres militants à la base, qui avaient pris leurs distances avec le parti, sont également revenus. ‘’Il y a beaucoup parmi eux qui ont décidé et courageusement de retourner au bercail. Nous leur tendons la main et leur souhaitons la bienvenue. Notre appel va à l’endroit de tous ceux qui ont eu un compagnonnage avec le Ps et qui ont une fois cru aux idéaux socialistes’’, déclare le maire de Kaffrine, par ailleurs député à l’Assemblée nationale.

Calculs politiciens

Cet appel trouve déjà un écho favorable auprès du maire de la Médina, Bamba Fall, qui pose comme préalable la réhabilitation de Khalifa Sall dans ses fonctions de secrétaire général de la coordination de Dakar. Une condition facile à satisfaire, puisque le poste est resté vacant depuis son exclusion du Ps.

Mais si les choses semblent simples pour le maire de la Médina, il en est autrement pour son camarade Barthélémy Dias qui a fait part, hier, de son ressentiment, sur sa page Facebook. Il s’est même montré hostile à un retour au bercail. Citant Nelson Mandela, il écrit : "Quant tu t'es battu si dur pour te remettre debout, ne retourne jamais vers ceux qui t'ont mis à terre."

L’édile de Mermoz Sacré-Cœur de poursuivre, acerbe : ‘’Nous dénonçons ce socialisme de caserne et combattons ce socialisme d'occasion dans lequel les chanteurs de louanges, les souteneurs, les candidats métamorphosés en collecteurs, les comploteurs pensent pouvoir l'emporter sur les militants ; où l'amoralisme prime sur l’éthique ; où l'engagement s'efface devant l’arrangement ; où on préfère s'accommoder plutôt que de rompre. Dans lequel on préfère se servir au lieu de servir par le compromis et le renoncement, en tentant de gâcher l'avenir au lieu de construire le présent pour se projeter dans le futur. Nous optons et luttons dignement pour un socialisme de conviction et d'ambitions, pour un socialisme de principes et de valeurs. Vive Khalifa, à bon entendeur."

Justement, dans cette affaire, le fin mot reviendra à Khalifa Sall qui séjourne en prison, dans le cadre de l’affaire dite de la caisse d’avance de la ville de Dakar. Car, malgré cette bravade du maire de Mermoz Sacré-Cœur, il est possible que les socialistes parviennent à exorciser leurs démons et retrouver leur unité d’antan, pour ensemble engager les prochaines batailles d’après-Macky Sall.

Justement, Ousmane Tanor Dieng et ses camarades, qui semblent bien saisir les enjeux du moment, savent que sans unité, ils ne peuvent espérer grand-chose de l’héritage de Macky Sall qui termine son second et dernier mandat en février 2024. Etant donné que les jours de la coalition Benno Bokk Yaakaar sont comptés et qu’au fur et à mesure qu’on s’approche des prochaines joutes électorales les ambitions personnelles des uns et des autres vont se décliner dans la conquête du pouvoir, les socialistes jouent leur va-tout pour d’abord sceller leur unité et mobiliser leurs bases et leurs militants. Aujourd’hui, dans une posture inconfortable, au lendemain de la réélection du président Macky Sall, le Parti socialiste a besoin de se renforcer pour se redynamiser.

Le secrétaire général et son camp savent bel et bien qu’ils ont perdu une part importante de leur électorat, avec l’exclusion de Khalifa Sall et de ses camarades dissidents. A Dakar, par exemple, le parti a cessé de vivre depuis le début de la crise. Aujourd’hui tombé dans l’escarcelle de l’Alliance pour la République (Apr) qui a de fortes chances de s’emparer de la mairie de la capitale aux prochaines élections locales de décembre 2019, les socialistes seront obligés de batailler fort et de manœuvrer pour inverser la tendance. Dakar étant un enjeu de taille pour la prochaine présidentielle, la servir au régime de Macky Sall sur un plateau d’argent serait une erreur monumentale pour les socialistes.

Chronique d’une guerre fratricide

Toutefois, cet objectif reste suspendu à la décision que prendra l’ancien maire de Dakar et ancien secrétaire national à la vie politique du Ps, Khalifa Ababacar Sall. Même si la realpolitik voudrait bien que l’ancien maire de Dakar renoue avec son parti pour se positionner en une véritable alternative, dès lors qu’Ousmane Tanor Dieng serait frappé par la limite d’âge en 2024 et serait complètement out de la course à la Présidentielle, il porte toujours en lui les stigmates de la crise interne du Ps. De tous les responsables socialistes engagés dans cette crise, c’est lui qui a payé le plus lourd tribut dans cette crise, si ce n’est pas le seul perdant.

Emprisonné dans le cadre de l’affaire dite de la caisse d’avance de la ville de Dakar, il a été tout simplement exclu des rangs du Ps ainsi que 64 autres de ses camarades dissidents. C’est, en effet, lors de la 9e session thématique du Bureau politique du samedi 30 mars 2017 que le couperet est tombé.

Ainsi, Barthélemy Dias, Bamba Fall, Idrissa Diallo, Aïssata Tall Sall, Aminata Diallo, Thiédel Diallo, Saliou Sarr, Sambou Oumani Touré, Diockel Gadiaga, Bassirou Samb, Seydina Issa Laye Samb, Kany Bèye, Ibrahima Souaré, Nafi Ndiogou, Ibou Diédhiou, Marianne Alice Gomis, Habibatou Mbaye, Mankan Tamba, Al Ousseynou Sy, Seyni Sané, Malick Ndiaye, Aïssata Fall, Youssou Mbow, Idrissa Diagne et Samba Nder Guèye ont tous été guillotinés. Comme si cela ne suffisait pas, la purge entamée par Ousmane Tanor Dieng est étendue jusque dans la diaspora sénégalaise établie en France. Au pays d’Emmanuel Macron, huit autres responsables socialistes qui ont fait allégeance à Khalifa Sall sont débusqués et définitivement exclus de la section Europe de l’Ouest du Ps. Il s’agit, entre autres, de Doro Sy, Birahim Camara, Ndèye Satala Diop, Moussa Diémé, Mody Gaye Ba, Chérif Aïdara et Malick Youm. Ils portent ainsi la liste des exclus du Ps de 65 à 73.

Dans le fond comme dans la forme, la crise interne au Ps est née d’une guerre de leadership. En d’autres termes, d’un conflit de génération entre un Ousmane Tanor Dieng présenté comme quelqu’un qui a fait son temps et qui doit passer le témoin, et un Khalifa Sall qui représente une nouvelle génération d’hommes politiques libres qui refusent tout compromis sur le dos des Sénégalais. C’est au sortir de l’élection présidentielle de février 2012 que les premières lignes de fracture se dessinent, avec les assauts répétitifs de Malick Noël Seck, alors Secrétaire général de la Convergence socialiste, contre Ousmane Tanor Dieng. Au leader socialiste, il demande de ne plus se représenter à une élection quelconque pour perdre et de passer le témoin à quelqu’un d’autre beaucoup plus apte à faire revenir le Ps aux affaires. Il finit par être exclu du parti, malgré les injonctions des différentes instances du parti.

Aïssata Tall Sall en fera, elle aussi, les mêmes frais, lorsqu’elle a voulu se mesurer à Ousmane Tanor Dieng aux renouvellements des instances de direction du Ps de 2014. Pour marquer son désaccord dans la gestion du parti, Aïssata Tall Sall, alors Secrétaire nationale en charge de la communication du parti, profite du 15e Congrès des 6 et 7 juin 2014 du Ps pour défier Ousmane Tanor Dieng. Sa candidature face au secrétaire général sortant du Ps apparait, dans les rangs des socialistes, comme un crime de lèse-majesté. Les relations entre les deux responsables socialistes, qui battaient de l’aile depuis 2012, vont se détériorer avec la tournure des évènements et vont également occasionner des dégâts collatéraux qui se répercuteront jusque dans ses rapports avec l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall. Alors que le processus de cette primaire était enclenché, le chargé de la vie politique du Ps, Khalifa Sall en l’occurrence, l’arrête nettement pour écarter sa candidature et permettre à Ousmane Tanor Dieng de rempiler tranquillement et sans grande difficulté à la tête du Ps pour, disait-il, sauver l’unité et la cohésion du parti.

A l’issue de ce processus, les relations entre ces deux prétendants à la succession de Tanor en ont pris un sacré coup. Ils ont fini par prendre des chemins différents : l’un persistant dans son opposition au pouvoir et l’autre qui prend un raccourci pour rallier le ‘’Macky’’.

ASSANE MBAYE

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