Publié le 19 May 2019 - 20:12
MAMADOU MBODJ DIOUF, MEMBRE DU BP DU PS

‘’Personne ne peut manipuler Ousmane Tanor Dieng’’

 

Membre du Bureau politique du Parti socialiste, Mamadou Mbodj Diouf avertit les initiateurs du Front pour la vérité et la justice au Ps qu’Ousmane Tanor Dieng n’est pas du genre à se laisser manipuler. Dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, le directeur du Programme d’appui à la modernisation des ‘’daaras’’ invite ses camarades ‘’dissidents’’ à la retenue.

 

Le Parti socialiste est au-devant de l’actualité, depuis la mise en place du nouveau gouvernement et la reconduction des ministres Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye. Quelle appréciation faites-vous de cette situation ?

Je voudrais, tout d’abord, féliciter mes deux camarades reconduits dans ce premier gouvernement, à l’entame de ce second mandat du président Macky Sall, et exprimer toute la fierté que j’éprouve, en tant que socialiste, pour cet énième plébiscite, à travers cette confiance renouvelée. Je pense que le Parti socialiste a tout intérêt à être au-devant de l’actualité. C’est le souhait de tout militant pour sa formation politique.

Toutefois, dans le contexte actuel, ces sorties intempestives dans la presse, pour critiquer une décision du parti, à travers les choix de nos représentants dans le nouveau gouvernement, sont inopportunes et discourtoises. Le président Ousmane Tanor Dieng est hors du territoire national, depuis un certain temps. Il est donc inélégant, de la part de ces camarades, de fustiger ses choix portés sur nos camarades Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye, en son absence. Tous ces dénigrements dans la presse sont perçus comme des attaques perpétrées contre la personne de notre secrétaire général. Ce qu’aucun digne militant ne peut tolérer.

Ne redoutez-vous pas une nouvelle fronde, avec la mise en place du Front pour la vérité et la justice au Ps lancé par Abdoulaye Gallo Diao et d’autres membres du Bureau politique et du Comité central ?

Des frondes, le Ps en a beaucoup connu dans son histoire. On sait comment elles se terminent. Dans le cas précité, on ne peut parler de fronde. Le front dont vous faites mention n’existe que dans la tête d’Abdoulaye Gallo Diao et sur les banderoles qu’il se confectionne pour ses diatribes devant la presse. Dans le parti, on sait qui est qui et qui fait quoi. Le camarade Diao n’est qu’un lampiste juste bon pour allumer des pétards mouillés. S’il en est des membres du Bureau politique qui veulent alimenter une fronde, qu’ils se signalent. Nous les attendons d’un pied ferme pour la défense du parti et de notre secrétaire général. S’il fait allusion à ces responsables qui ont parlé de rotation dans la nomination des camarades à des portefeuilles ministériels, à l’image du camarade Gorgui Ciss, leurs attaques discourtoises n’incommodent qu’eux-mêmes, car constituant un nihilisme annoncé de tout rapport de camaraderie à l’avenir. Au lieu de féliciter des camarades dont la preuve de leurs compétences à la tête de leurs départements ministériels est déjà faite, opter pour du ‘’ôtes-toi que je m’y mette’’ relève d’une attitude inacceptable dans toute relation de camaraderie.

Ce front fustige la gestion du Ps par Ousmane Tanor Dieng. Qu’en pensez-vous ?

A ce que je sais, ce soi-disant front se garde de revendiquer toute attaque ouverte contre la gestion du secrétaire général Ousmane Tanor Dieng. Tout au moins, le camarade Diao, qu’on entend le plus souvent, entretient l’impossible conciliation entre des critiques acerbes et discourtoises contre les choix exclusifs du président Ousmane Tanor Dieng et la revendication de sa proximité d’avec ce dernier.

Abdoulaye Gallo Diao et Cie soutiennent que le Ps traverse une seconde crise grave due à la confiscation de l’intérêt général par les ministres Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye qu’ils qualifient d’ailleurs de comploteurs. Qu’en est-il exactement ?

Ils savent très bien que personne ne peut manipuler Ousmane Tanor Dieng. Ils savent parfaitement que Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye ne se sont pas choisis eux-mêmes pour devenir ministres. S’il est un parti qui fonctionne sur la base de textes et qui donne démocratiquement le privilège du choix de ses responsables à l’ensemble de ses militants, à travers les renouvellements périodiques de ses instances, c’est bien le Ps. Personne ne peut donc confisquer l’intérêt général du parti.

La gestion de Tanor est de plus en plus fustigée dans les instances du Ps. Pour beaucoup, il a hypothéqué les intérêts du parti pour ses propres intérêts, dans le cadre de son compagnonnage avec la coalition Benno Bokk Yaakaar. Que répondez-vous ?

Je ne connais pas d’instance où l’on fustige la première personnalité du parti. Vu son parcours politique, Tanor n’est plus dans ces considérations égoïstes et opportunistes. Je pense que tout le Sénégal sait que Tanor aurait pu occuper une haute fonction, depuis 2012, mais il ne le voulait pas. Il a fallu que des camarades, comme moi, le prient, à plusieurs reprises, d’accepter une responsabilité au sommet de l’État, pour ne pas désavantager le Parti socialiste devant ses autres alliés de la coalition Bby.

Il faut donc savoir que Tanor est dans la poursuite du seul intérêt collectif des militants. Tous les actes qu’il pose, dans le cadre du management du Ps, s’inscrivent dans cette perspective.

Avant Abdoulaye Gallo Diao et Cie, c’est le Pr. Gorgui Ciss et Me Moussa Bocar Thiam qui ont fustigé les choix de Tanor. Me Thiam a préféré, lui, claquer la porte du Ps pour se mettre à la disposition du chef de l’Etat. Est-ce que ça ne commence pas à faire beaucoup ?

On n’est pas lié à un parti politique à vie. On y est par engagement et par conviction. On ne quitte pas un parti parce qu’on n’a pas été choisi pour être nommé ministre. Le Ps est un parti qui regorge de compétences, des plus jeunes aux plus âgés. Il est de l’ordre de la prétention et de l’arrogance que de penser que l’on est mieux placé que tous les autres pour être choisi pour occuper un poste de responsabilité. Et c’est cela le lit de toutes ces élucubrations. Cette profusion de compétences voudrait que la seule confiance et l’appréciation personnelle du secrétaire général du parti soient les critères déterminants pour le choix des personnes devant nous représenter dans le gouvernement.

Ousmane Tanor Dieng aurait été à la place de Macky Sall, ces mécontents auraient rasé les murs, en attendant leur tour chez le coiffeur. Me Moussa Thiam a fait son choix de quitter le Ps de manière définitive. Il n’en est point à sa première tentative. La première s’était soldée par un échec cuisant, car rejetée par les responsables de l’Apr du Fouta pour inélégance, à un moment où le rôle du Ps dans la coalition Bby était des plus remarquables. Gorgui Ciss a beaucoup de mérite, mais il n’est pas le meilleur des socialistes. Il devrait plutôt prendre son mal en patience, car les responsabilités gouvernementales ne sauraient être gérées comme une tontine. Même si le Sg Ousmane Tanor Dieng avait opté pour la formule de la rotation, le président Macky Sall ne pouvait moralement l’accepter, par respect pour les Sénégalais qui lui ont confié les rênes du pouvoir pour gouverner vertueusement et sobrement. Il demeure que c’est une minorité de responsables qui se singularisent de façon aussi discourtoise.

Avant cette crise, il y a la fronde dirigée par Khalifa Ababacar Sall et Cie qui ont été tous exclus du Ps. Finalement, est-ce que le vide n’est pas en train de se faire au Ps par la faute de Tanor ?

On peut remonter plus loin, en invoquant les départs du Ps de feu Djibo Kâ, du président Moustapha Niasse, de Robert Sagna, feu Mamadou Diop, entre autres. L’histoire d’une formation politique est jalonnée de départs, mais aussi ponctuée de nouvelles arrivées. Le Ps n’est point une exception dans le landerneau politique sénégalais. Ces dernières années, le parti a connu beaucoup d’adhésions de jeunes, cadres, universitaires et mêmes des militants d’autres partis convaincus par notre modèle d’organisation politique. Nous autres, jeunes cadres militants, depuis une bonne quinzaine d’années, restons mobilisés, solidaires avec la direction du parti aux côtés du président Ousmane Tanor Dieng et demeurons convaincus que s’il doit rester une poignée de militants fidèles au parti, ce serait bien nous.

Récemment, Ousmane Tanor Dieng a appelé à un retour dans le parti des exclus. Cela n’est-il pas aujourd’hui un aveu d’échec ?

Le secrétaire général Ousmane Tanor Dieng a loué l’engagement du camarade Banda Diop, lors de la campagne électorale, aux côtés de Bby, pour la réélection du président Macky Sall et en a profité pour indiquer que c’est cela qui doit être l’attitude de tout socialiste, dans le contexte politique actuel. Il a ensuite appelé à des retrouvailles de la grande famille socialiste. Ce que d’autres, notamment certains dissidents exclus des rangs du parti en même temps que Khalifa Sall, ont dû comprendre comme une invite à un retour sans condition. Que nenni. Cela résultait d’un constat plutôt que d’une main tendue, même si une possibilité de retour conditionnée à la maison mère ne peut être définitivement écartée pour ceux qui voudraient se plier aux procédures applicables dans une telle éventualité.

Est-ce à dire que Tanor s’est rendu compte que le Ps est devenu une coquille vide et que l’apport des bannis est indispensable ?

Le Ps ne sera jamais une coquille vide, car tel un sphinx, il traversera encore et encore des turbulences, mais sera toujours là. Nous travaillons davantage à l’apport plus pertinent de nouveaux militants techniquement compétents et politiquement engagés, que de passer notre temps à prêter attention à des bannis qui continuent à lorgner dans le rétroviseur.

Khalifa Sall n’a-t-il eu raison sur toute la ligne, avec la tournure des évènements ?

Khalifa Sall n’a pas et ne peut avoir raison sur le parti. Il a joué, il a perdu. Lorsque l’on choisit la voie de la dissidence, sans oser en assumer courageusement les conséquences, la tournure des événements politiques ne peut que vous être désavantageuse.

On s’achemine vers des élections locales. Quelle attitude penser juste pour le Ps ?

Les élections locales sont aussi des élections comme les autres. La logique des coalitions peut être toujours opérante. Nous demeurons dans la coalition Bby et toute possibilité gagnante doit en être préservée. Toutefois, la spécificité du contexte politique dans chaque localité devra guider les choix d’alliances.

Doit-il poursuivre son compagnonnage avec Bby ou faire cavalier seul ?

Bien sûr, cela ne fait l’ombre d’un doute. Ce n’est pas ce qui se fera lors des locales qui pourrait impacter négativement sur la vitalité d’une coalition Bby qui a battu tous les records.

Quel avenir pour le Ps ?

L’avenir du Ps est en perpétuelle construction. Nous avons certes connu des périodes difficiles et même troubles, avec la dissidence, mais cette histoire est derrière nous, aujourd’hui. Nous pensons plutôt affirmer notre positionnement dans le landerneau politique, pour les années à venir.

Comment doit-il engager les prochaines joutes électorales, notamment les Locales de 2019, les Législatives de 2022 et la Présidentielle de 2024 ?

La sérénité est de mise au Ps. Il n’est pas de situation exceptionnelle ou qui sort de l’ordinaire pour nous amener à penser que le cours normal de la vie en serait bouleversé. Pour les prochaines échéances électorales, le parti s’y prépare naturellement avec l’intention d’affirmer davantage notre représentativité et de saisir toutes opportunités qui nous permettraient d’assurer la meilleure succession au président Macky Sall, à la fin de son second mandat.

Le report des Locales de 2019 est de plus en plus agité. Qu’en pensez-vous ?

Personnellement, j’opterai pour un report des Locales de 2019. En effet, il faut savoir que les réformes en matière de décentralisation n’ont pas donné les résultats escomptés. L’acte 2 n’a pas vraiment répondu aux attentes et l’acte 3 n’en mène pas large. Par ailleurs, les collectivités locales, que ce soit les communes autant que les départements, peinent à répondre aux besoins de développement local. Les collectivités locales, pour la plupart, ne sont pas viables, faute de ressources suffisantes. Le dernier découpage administratif a saucissonné nos collectivités locales, les rendant exiguës et peu compétitives. Nous attendons du dialogue national lancé par le président de la République qu’une réforme majeure allant dans le sens d’aboutir à une meilleure viabilité des territoires, soit annoncée et cela devrait constituer un motif de report des élections locales de 2019.

PAR ASSANE MBAYE

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