Publié le 21 Jan 2015 - 05:21
MAME LESS CAMARA, JOURNALISTE ANALYSTE POLITIQUE

‘’Le contrôle de l’AMS peut être le chemin de la sanction pour l’APR’’

 

L’élection du président de l’AMS n’a jamais suscité autant de bruit. Qu’est-ce qui explique cet état de fait, selon vous ?

Je pense que tous les changements annoncés dans la gestion des collectivités locales, notamment l’Acte 3 de la décentralisation qui implique une communalisation généralisée, fait que beaucoup de gens ont cherché à piloter la structure. Et ensuite, la parenté de l’un des candidats avec le président de la République a fait que cette élection ait intéressé non seulement au sein des élus locaux mais également au sein de l’opinion.

Et on a vu que les candidats qui n’étaient pas de l’APR et qui avaient une certaine liberté de discours comme le maire de la commune de la Médina, Bamba Fall et comme le maire de la ville de Thiès Talla Sylla, ont mis en exergue le fait qu’il y ait eu une sorte d’indécence à élire le frère du président. Talla Sylla a une formule dévastatrice qui risque d’avoir un avenir lors de la présidentielle : ‘’Le président de la République gère l’Etat centralisé, son frère gère l’Etat décentralisé.’’ C’est une trouvaille en matière de slogan qui pourrait devenir un bon slogan électoral. Tout cela me semble annonciateur d’un type de contestation qui peut avoir un certain impact.

Mais est-ce que cela ne risque pas de porter préjudice au candidat Macky Sall à l’élection présidentielle de 2017 ?

Je pense que tout dépendra de la qualité du travail rendu par les dirigeants de la majorité présidentielle dans les collectivités locales. Mais disons que c’est un pari assez risqué qui fait que les résultats très aléatoires et éclatés de la gestion des collectivités locales risquent d’impacter très fort sur l’opinion que la population va se faire sur le candidat à la présidentielle. Le Sénégal est sensible à ces questions qu’on a vues à un moment, le mode d’élection dans les collectivités locales faisait qu’à un certain degré de parenté, on ne pouvait pas occuper en même temps des postes. Cette disposition a été levée mais c’est quand même un indicateur pour percevoir l’exigence des Sénégalais dans le partage des postes et des responsabilités dans les collectivités locales. Il faut toujours éviter qu’une famille, un clan, une organisation ne fasse main basse sur les postes de responsabilités. C’est assez révélateur d’un état d’esprit.

Pensez-vous que l’AMS, en tant que structure qui regroupe tous les maires du pays, puisse servir de levier politique au candidat Macky Sall dans sa quête d’un second mandat ?

L’AMS, à cause de sa composition plurielle, est difficile à considérer comme un bastion politique pour un seul parti politique. Deuxièmement, les collectivités locales sont des entités de proximité, là où le parti politique est le moins opérationnel. C’est là où le citoyen s’engage non pas pour un parti mais simplement pour une liste ou un individu.

Troisièmement, chercher à s’appuyer sur des collectivités est un exercice assez aléatoire, voire dangereux. Parce que c’est là où les rapports de forces peuvent s’inverser le plus rapidement et le parti ou les partis politiques qui contrôlent le plus de collectivités locales sont paradoxalement ceux qui souffrent le plus de sanction du citoyen qui n’est  sous le contrôle d’aucune formation politique. Quelque part, il faut mieux avoir des collectivités locales mais ne pas essayer d’en contrôler le maximum.

Concrètement, qu’est-ce que l’AMS peut apporter au parti présidentiel ?

Je crois que cela peut donner la photographie, peut-être à un moment donné, de la représentativité à peu près de l’APR. Mais de la même manière, cela peut être le chemin de la sanction pour l’APR. Parce que si les gens ne sont pas contents de la gestion d’un maire, ils peuvent le sanctionner et à travers lui, sanctionner son parti. C’est pourquoi il me semble très dangereux de s’exposer, comme semble vouloir le faire l’APR, à des sanctions qui vont passer d’un mécontentement local à l’expression d’une sanction contre la force politique derrière laquelle se trouve le maire ou plus tard le candidat. En mars 2009, quand il y a eu cette inversion de la représentativité dans les collectivités locales, on a vu que la sanction prévue contre le Parti démocratique sénégalais (PDS) a frappé de plein fouet les maires libéraux.

Mais en sanctionnant les maires libéraux en 2009, que ce soit à Dakar et dans presque toutes les grandes villes du Sénégal, ce qui était visé, c’est le PDS. Tout au plus, avoir une majorité dans les collectivités locales, donc en conséquence à l’AMS, cela permet de disposer d’un système d’alerte pour connaître des intentions de vote lors de la présidentielle. Si les gens sont contents des maires, le candidat de l’APR en recueillera les fruits. Si les maires ne font pas le boulot à la grande satisfaction des populations, leur sanction va frapper leur candidat à la présidentielle. Il y a beaucoup de maires et cela permet d’avoir des détecteurs de tendance.

Si les gens sont satisfaits de leur maire, ils lui feront une sorte de gratification en ayant un regard bienveillant pour le candidat du maire. Si le maire ne fait pas son boulot, c’est le candidat du maire à la présidentielle qui va payer les pots cassés. Maintenant avec l’Acte 3 de la décentralisation, les maires ne sont pas partis pour disposer des moyens adéquats pour faire face à leurs missions. Cela, c’est la récrimination qu’on a notée depuis la capitale Dakar jusqu’à l’entité d’une moindre importance. Donc tout est lié. Etre fort partout, c’est être responsable partout et tout ce qui ne marchera pas partout, va remonter comme sanction vers le candidat à la présidentielle ou plus tard aux législatives.

PAR ASSANE MBAYE

 

 

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