Publié le 25 Jun 2020 - 15:26
RÉOUVERTURE DES CLASSES CE MATIN

Une rentrée sous haute surveillance

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Les autorités administratives et le personnel enseignant du public et du privé laïc se disent prêts à redémarrer les cours, aujourd’hui. Si chaque partie espère que tout va bien se passer, les enseignants attendent l’Etat au tournant.

 

L’école rouvre ses portes aujourd’hui. Les autorités s’attellent aux derniers réglages et rassurent. D’ailleurs, en Conseil des ministres hier, le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, a présenté le plan de réaménagement. Plus tôt dans la journée, l’inspectrice d’académie de Dakar, Khadidiatou Diallo, a effectué une visite de quelques établissements.

‘’Depuis le temps, nous sous sommes préparés à cela. Nous avons visité des écoles pour voir, puisque c’est 772 écoles. Ce n’était pas facile de dire que tout était réglé dans toutes les écoles. Donc, nous sommes en train de vérifier jusqu’à présent et il y a un grand lot de matériels à l’inspection. Et dès demain (aujourd’hui) nous verrons plus clairement dans la dotation, partout où nous aurons besoin de renforcer’’.

Elle s’est aussi prononcée sur le cas du lycée Seydou Nourou Tall. Khadidiatou Diallo souligne que l’information selon laquelle le lycée ne va pas rouvrir ses classes n’émanait pas du proviseur Annie Coly. D’ailleurs, elle annonce que le problème d’eau est réglé ; que la Sen’Eau a commencé les travaux de raccordement. En principe, dit-elle, les travaux devaient se terminer hier. C’est un problème, poursuit l’inspectrice, qui durait depuis cinq ans. Pendant tout ce temps, l’autorité administrative a couru derrière un problème de raccordement et d’adduction d’eau.

Ecoles privées laïques

Les écoles privées laïques semblent, cette-fois-ci, ne pas avoir été laissées en rade. Le vice-président de l’Union nationale des écoles privées laïques, Insa Diallo, exhorte le personnel enseignant à concourir à une bonne reprise. ‘’Nous sommes psychologiquement, matériellement et moralement prêts pour la reprise des enseignements-apprentissages, comme l’a annoncé Monsieur le Ministre de l’Education nationale Mamadou Talla. Nous avons reçu le matériel du protocole sanitaire dans l’ensemble des écoles privées et publiques. Dans l’ensemble des écoles de l’académie de Dakar, nous avons pu vérifier cela. Avant-hier, nous avons reçu un surplus de dotation en masques provenant de la ville de Dakar’’, renseigne-t-il. Avant d’exhorter l’ensemble du personnel enseignant, administratif, subalterne à réussir une bonne reprise des enseignements-apprentissages de façon sereine et dans un sursaut patriotique.

D’ailleurs, au secrétaire général du Cusems/Authentique, Dame Mbodj, qui a récemment demandé à l’Etat de payer aux enseignants une indemnité spéciale, car les mois de juillet, août, septembre constituent des périodes de vacances, il répond : ‘’Nous les appelons à un sursaut patriotique. Quand il y a une situation de crise comme celle-ci, nous devons faire preuve de patriotisme.’’

‘’Les enseignants sont à leur poste’’

A l’instar des écoles privées laïques, les enseignants du public seront fidèles au poste, malgré leurs réserves. Le secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal (Saemss) Saourou Sène de dire : ‘’Il va sans dire que ce qui nous lie, dans le cadre de cette reprise, avec le gouvernement du Sénégal, c’est le respect du protocole sanitaire. Et demain (aujourd’hui) nous saurons, dans les établissements, si les éléments du protocole sanitaire sont respectés. De toute façon, en ce qui concerne les enseignants, nous serons sur place. Surtout ceux qui ont en charge les classes d’examen.’’ En tant qu’organisation syndicale, leur bureau national s’est réuni hier. Aujourd’hui, elle se rend dans la région de Thiès et le monde rural pour vérifier l’effectivité des éléments du protocole sanitaire et voir les camarades qui sont sur place.

A propos de cette reprise, le docteur Abdoulaye Bousso a souligné, hier sur la TFM, que l’école est une situation à risque, comme dans les lieux de travail et ailleurs. Ainsi, dit-il, l’encadrement doit primer. Il souligne que ce sera difficile dans les écoles, mais que les mesures prises par le ministère de l’Education pourraient aider. L’essentiel, à ses yeux, est que les mesures soient respectées, que les classes ne soient pas surchargées, que la distance physique soit respectée, que le port du masque soit obligatoire. Toutefois, le Dr Bousso prévient qu’il n’y a pas de garantie : c’est un engagement de tous, aussi bien des parents à sensibiliser leurs enfants, les responsabiliser par rapport à la situation.

Prévu le 2 juin dernier, la réouverture a été renvoyée à cause d’enseignants testés positifs au coronavirus à Ziguinchor.

Peur chez les élèves

Le retour en classe sera effectif, ce matin. La peur s’empare des potaches, avec l’insuffisance des gels hydro-alcooliques, des masques et des produits désinfectants, en plus de l’absence de certaines dispositions du protocole sanitaire.

 

Des écoles mal loties avec des détritus un peu partout. C’est le triste décor à Diourbel, notamment au lycée Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké où l’eau du robinet coule à flot ; la cour de l’école est remplie d’herbes sauvages et les salles de classe non encore balayées. Le décor est le même dans la quasi-totalité des établissements d’enseignement moyen et secondaire de la capitale du Baol. Et dire qu’elles accueillent, ce jeudi, les élèves pour une reprise des enseignements-apprentissages. Ce retour fait peur aux potaches. Même s’ils sont décidés et d’accord pour le retour en classe, il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas contents.

 El Hadj Diarga Diop, Président du Collectif des gouvernements scolaires du département de Diourbel : ‘’Nous, nous aimons aller à l’école. La place de l’élève n’est pas à la maison. Quatre mois de pause, c’est trop. Mais il faut aller à l’école avec les bonnes conditions. Ici, dans le département de Diourbel, nous irons à l’école, mais on ne veut pas risquer nos vies. Le 2 juin passé, l’Etat nous avait dit que toutes les conditions étaient réunies pour une reprise effective des enseignements. Mais, malheureusement, beaucoup d’établissements n’avaient pas reçu le matériel au complet. Nous n’exigeons pas, mais nous demandons que le protocole soit respecté dans toute sa globalité. Nous sommes 700 élèves au lycée d’enseignement général de Diourbel et l’Etat nous avait remis 1 000 masques, alors que chaque élève doit disposer de 3 masques, ce qui fait un total de 2 100 masques. Un thermo-flash pour 700 élèves, un lave-mains, deux gels et trois bouteilles de détergent. C’est très insuffisant.’’

Le potache d’ajouter : ‘’Avec l’hivernage, comment allons-nous faire avec les abris provisoires ? Il s’y ajoute les fils de paysans qui doivent aider leurs parents, parce que c’est avec le produit des récoltes qu’ils vont vivre. Nous voulons aller à l’école, mais plusieurs questions se posent. Il faut que l’Etat nous donne des réponses. Des réunions sont organisées sans la présence des acteurs que nous sommes, nous les élèves. On ne nous considère pas et tout ce qui se fait pour toi sans ta présence est contre toi. Les élèves ne sont pas impliqués dans les visites des ministres.’’

Le lycée d’enseignement général n’est pas la seule école avec des difficultés. Au collège d’enseignement moyen/Annexe lycée technique Ahmadou, il n’y a qu’un thermo-flash, un lave-mains, deux bouteilles de savon liquide et deux bouteilles de gel hydro-alcoolique. Trouvé sur les lieux, le principal, M. Sène, confie : ‘’Nous avons 240 élèves concernés et 44 enseignants, et nous n’avons que ce matériel, plus 287 masques. Ce qui est très insuffisant. Si je connaissais un endroit où acheter des thermo-flashs, j’allais en acquérir, parce qu’un seul ne peut faire l’affaire.’’

Dans cette école, le protocole sanitaire n’est pas respecté. Et pour cause ! Il n’y a pas un point focal santé nommé et une porte dérobée pour évacuer les éventuels malades. Dans les rares établissements scolaires visités, les chefs rechignent à puiser dans le budget additionnel des moyens pour faire face à la pandémie du coronavirus, et cela malgré la circulaire de l’inspecteur d’académie en date du 1er mai les y invitant.

Toutefois, de bonnes volontés viennent en appoint, parmi lesquelles le président de la Ligue sénégalaise des droits humains qui a remis 1 000 masques aux élèves et aux talibés. Il y a aussi les collectivités territoriales et des organisations non gouvernementales qui ont mis la main à la poche et remis des masques, des gels hydro-alcooliques et des désinfectants, parce que la dotation de l’Etat, en dépit des déclarations des ministres de l’Education et de la Formation professionnelle est trop insuffisante.  

Boucar Aliou Diallo

AIDA DIENE

 

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