Itinéraire d’un métis foncièrement sénégalais

C’est l’une des surprises des élections législatives de 2017. Pendant que l’opinion se focalisait sur les fortes têtes de la vie politique nationale, Théodore Chérif Monteil et l’Union Citoyenne Bunt Bi étaient en train de tisser leur toile. Ainsi, est-il parvenu à s’ouvrir les portes de l’Assemblée nationale.
Barack Obama, d’origine africaine, est devenu président des Etats-Unis d’Amérique. Théodore Chérif Monteil, moitié-sénégalais, moitié-français, est aujourd’hui député du Sénégal. Il ambitionne de se hisser au sommet de la République. Pourquoi pas le premier Métis, président de la République du Sénégal. L’homme ne manque pas d’audace. Il a les compétences.
Ils étaient très peu les observateurs à mettre un copeck sur le "cheval Union Citoyenne Bunt Bi". Le nom de son joker était encore très peu familier, avant le démarrage de la course aux législatives de 2017. Rares étaient les spectateurs qui pouvaient mettre un visage sur ce dernier. Monteil était considéré pour la plupart comme un de ces ‘’guignol’’ qui n’ont pour objectifs que de jouer les trouble-fête, en brouillant les pistes au profit de la majorité présidentielle. Accusé, donc, d’être un candidat sponsorisé par le président Sall, le métis de la 4ème génération restait droit dans ses bottes. Il ne se retournait pas. Toujours, fonçait-il en direction de sa cible : l’Assemblée nationale.
Théodore savait ce qu’il valait, où il voulait aller ? Comment y aller ? A ses détracteurs, il répondait dans EnQuête, sur un ton courtois, mais ferme : ‘’Macky Sall me connaît très bien. On se respecte beaucoup. Dans ses rêves les plus fous, il n’ose pas venir me proposer de l’argent. Je suis un très haut cadre. Je n’ai rien à envier à un ministre ou député. Nous ne sommes pas des politiciens professionnels...’’
Chimiste de formation, diplômé de l’Université de Lille en ingénierie des transports et management logistique, expert en process industriel…, le nouveau député est en effet un industriel qui a blanchi sous le harnais. Enfant du bassin arachidier, il fait partie de ceux qui faisaient la renommée de la Sonacos, dans les années 1990. Il venait de rentrer au bercail, après quelques années passées dans l’hexagone. L’ingénieur n’en est pas moins engagé politiquement. Le militantisme, il connait depuis sa tendre enfance. Son père est syndicaliste.
Lui fut très actif dans le mouvement des élèves et étudiants. C’était aux heures "sombres" de la République. Théodore Chérif Monteil était alors fan de Maitre Abdoulaye Wade pour son ‘’charisme, son éloquence et son courage’’. Mais il n’a pas voulu entrer dans son parti politique. Il choisit plutôt de créer sa propre voie. Nous sommes en 2007. Monteil prend la résolution d’escalader le mur séparant le syndicalisme et la politique. L’Union citoyenne Bunt Bi est ainsi portée sur les fonts baptismaux. Les temps ne sont plus les mêmes. Lui dont le père s’est vu expulsé de sa maison de fonction pour cause de grève, s’engage dans la politique pour faire bouger les lignes. Depuis cette date, le leader de l’UC Bunt Bi n’a manqué aucun combat. Mais, réaliste et conscient de sa force, il décide de se ranger sagement derrière les mastodontes de l’espace politique. Avec baraka. A chaque fois, il a, en effet, misé sur le bon cheval : 2007, 2012, 2014 et 2016.
L’on croyait alors que l’UC Bunt Bi serait de ces partis télécentres, éternels accompagnateurs. Mais, c’était sans connaitre son chef de file qui est un homme très ambitieux. Dix ans après la création de sa formation, il décide de voler de ses propres ailes. Il prend ses distances avec Macky 2012. Il dépose sa candidature aux élections législatives du 30 juillet. Le combat n’était pas gagné d’avance. Les candidats étaient nombreux. Le chemin long et parsemé d’embûches. Contre tous les pronostics, Monteil arrive à gagner une place dans le cercle très restreint des partis qui seront représentés à l’Hémicycle, lors de la prochaine législature.
Marié et père de trois enfants, ce crac est député, grâce au plus fort reste. Loin de s’en rougir, il a 1000 raisons d’être satisfait de son score. Dans le classement des listes, selon leur nombre de représentants à l’Hémicycle, sa formation est au rang de certains "ténors" qui s’étaient taillés des destins présidentiels. Parmi eux : Ousmane Sonko, Aissata Tall Sall, Cheikh Tidiane Gadio, Modou Diagne Fada… Il fait mieux que d’autres, comme l’ancien premier ministre Abdoul Mbaye, le "député du peuple" Me El Hadji Diouf, l’ancienne candidate à la présidentielle Amsatou Sow Sidibé pour ne citer que ceux là.
Mais, Monteil ne compte pas se contenter éternellement des restes. Il espère à l’avenir jouer les premiers rôles. ‘’Nous sommes le parti de demain. On vient d’atteindre notre maturité et on veut avoir la majorité à l’Assemblée nationale. Dans l’immédiat, nous voulons amener les Sénégalais à s’engager dans la politique. Nous ne devons pas laisser la politique aux seuls politiciens. C’est cela notre objectif’’, déclare-t-il.
Assumant ses origines françaises, Théodore Chérif Monteil n’en est pas moins Sénégalais. Il est né à Saint Louis, il a grandi à Kaolack. Ses racines françaises remontent à quatre générations. Ancré dans les cultures sérère et wolof du Saloum, il défie les Ndiaye et les Diop qui seraient tentés de remettre en cause sa qualité de Sénégalais. ‘’Je suis un Sénégalais bon teint. Mon père est un vrai Saloum-Saloum. Avec sa maman, il ne parlait que sérère. Moi qui vous parle, je comprends le wolof mieux que beaucoup de Ndiaye et de Diop. Ma mère s’appelle Anna Mendy et elle est petite-fille directe du roi de Diokoul’. J’estime donc qu’il n’y a pas plus Sénégalais que moi’’, déclare l’homme éloquent, courtois et très mesuré.
MOR AMAR