Publié le 16 Sep 2018 - 22:40
TROIS QUESTIONS A MAMADOU OMAR NDIAYE

‘’On hérite des partis comme on hérite d’une maison, d’une voiture’’

 

Témoin privilégié de l’histoire politique sénégalaise, Mamadou Omar Ndiaye apporte ses éclairages sur la vie des partis traditionnels.

 

Pourquoi les dinosaures s’entêtent, dans la plupart des cas, à conserver la direction de leurs partis ?

C’est lié à leur histoire. Au Sénégal, seuls les partis marxistes fonctionnent sur la base d’une idéologie. Les autres ont été bâtis par des personnes physiques qui constituent pour les militants la seule référence. Ces derniers, étant pour la plupart analphabètes, s’identifient à une personne, celle du fondateur du parti, et non à une idéologie. Il en a toujours été ainsi. On a parlé du parti de Senghor, du parti de Lamine Guèye… Sous Diouf également, c’était la même chose. Si on prend l’exemple du Pds qui est au centre de l’actualité, il est considéré comme la propriété privée de Me Abdoulaye Wade. De manière caricaturale, on disait que même les chaises qui se trouvaient à la permanence lui appartenaient. C’est donc sa propriété privée. Et une propriété, quand on la porte, c’est jusqu’à la mort. Si on n’est plus de ce monde, les ayants-droit vont en hériter. Comme on hérite d’une maison, d’une voiture.  C’est la même chose pour tous ces partis qui s’identifient à un seul homme. C’est difficile pour qu’il y ait des transitions démocratiques dans de pareils cas.

Évidemment, cela pose problème, du point de vue de la démocratie qui veut que les instances soient renouvelées périodiquement, à l’occasion des congrès tenus régulièrement. Malheureusement, ce à quoi on assiste, c’est que soit les congrès ne sont pas tenus régulièrement, soit c’est de pure formalité. On reconduit par acclamation le dirigeant fondateur qui reste ainsi au pouvoir jusqu’à sa mort. La seule exception, ce sont les partis marxistes qui ont connu plusieurs alternances. Même si certains de leurs leaders sont restés pour une longue durée. Par exemple, la Ld a d’abord été dirigée par Babacar Saneh. Ensuite, il a été débarqué par un congrès, remplacé par Abdoulaye Bathily qui a passé le témoin à Mamadou Ndoye qui est lui aussi parti. C’est la même chose pour le     Parti de l’indépendance et du travail, d’abord dirigé, du temps de la clandestinité, par Seydou Cissokho qui a été remplacé à son décès par Amath Dansokho. Ce dernier, à cause de sa santé fragile, est parti et Magatte Thiam l’a démocratiquement remplacé. Lui aussi est volontairement parti après une durée raisonnable…

On peut donc dire, avec ces partis, qu’il y a une vitalité et une gouvernance démocratiques. A Aj également, même s’il n’y a jamais eu de renouvellement par congrès, la gouvernance est relativement démocratique. Et au moins, le parti n’appartient pas à un individu.

Sur ce registre, peut-on comparer le Parti socialiste et l’Alliance des forces de progrès au Parti démocratique sénégalais ?

Avec l’Afp, c’est absolument la même chose. C’est le parti de Moustapha Niasse. C’est lui qui finance le parti. Quand il y a un congrès, c’est lui qui finance. Une campagne électorale, c’est lui qui trouve les moyens pour les injecter dans le parti. C’est donc une conception patrimoniale des partis. Avec le Ps, c’est assez différent. D’abord, en tant qu’ancien parti au pouvoir, il a des moyens qui appartenaient à l’Etat. Ensuite, les leaders actuels n’en sont pas les fondateurs. Enfin, à chaque fois que les leaders qui étaient en même temps à la tête de l’Etat ont quitté le pouvoir, ils en ont profité pour laisser également le parti. Malheureusement, depuis qu’Ousmane Tanor Dieng est venu, il n’y a pas eu de renouvellement en tant que tel. Les congrès étant de pure formalité comme je l’ai déjà dit. Maintenant, son leadership à la tête du parti n’a jamais été remis en cause. Ce qui a été à la base des divergences avec le camp de Khalifa, c’est sa décision de soutenir Macky Sall à la prochaine présidentielle. Dans tous les cas, 18 ans, c’est déjà trop pour la direction d’un parti démocratique.

Plus généralement, n’y-a-t-il pas lieu, aujourd’hui, de renouveler le personnel politique, en instaurant une alternance générationnelle ?

Absolument ! D’ailleurs, c’est en train de se faire. Elle ne se fait pas à l’intérieur des partis classiques où les dinosaures tiennent solidement la barre. L’alternance se fera donc en dehors et en marge de ces partis. Quand on voit quelqu’un comme Macky Sall, à défaut de pouvoir imposer une alternance à l’intérieur du Pds, il a quitté, s’est présenté contre son ex-mentor et a gagné. Il y a donc eu un saut générationnel. Un président qui avait plus de 80 ans a quitté et a été remplacé par quelqu’un qui avait moins de 60 ans. Le peuple avait donc imposé une alternance générationnelle qui s’opère de plus en plus par scission et en dehors des partis traditionnels. On peut citer Ousmane Sonko qui est candidat à la présidentielle.

 

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