Publié le 14 May 2023 - 01:03
TROISIÈME CANDIDATURE EN 2024

Macky Sall épié de toutes parts

 

Si le front intérieur est en ébullition face aux intentions encore tues du président de la République de briguer ou non un 3e mandat à la tête du Sénégal, au plan international, les manœuvres directes et indirectes se multiplient pour en dissuader Macky Sall.

 

Selon des informations révélées par Africa Intelligence, le président de la République Macky Sall s’est  entretenu avec l’ancien président américain Barack Obama, au sujet de la Présidentielle de février 2024 et d’une éventuelle troisième candidature. L’ancien locataire de la Maison-Blanche aurait fait part de ses préoccupations et de celles du gouvernement américain sur les conséquences d’une nouvelle participation de Macky Sall au scrutin présidentiel, au moment où les tensions sociales  et politiques s’accumulent.

Une sollicitation qui se fonde sur les belles  relations entre les deux hommes. Le Sénégal est devenu le principal allié des Américains en Afrique francophone. Le 20 janvier 2023, Janet L. Yellen, secrétaire au Trésor américain, a choisi Dakar pour prononcer un important discours sur la politique américaine en Afrique afin d’aider le continent ‘’à construire une économie plus résiliente qui profite aux Africains, aux États-Unis et au monde entier’’.

Obama avait tout dit en 2015

En interpellant Macky Sall, Barack Obama, qui a donné, en juillet 2015, le premier discours d’un président américain au siège de l’Union africaine, reste sur sa logique, lorsqu’il interpelle les présidents africains. ‘’Les progrès démocratiques en Afrique sont en danger quand des dirigeants refusent de se retirer une fois leur mandat terminé. Laissez-moi être honnête avec vous. Je comprends ! Je suis privilégié de servir comme président. J’adore mon travail, mais notre Constitution ne me permet pas de me présenter à nouveau. Je pense que je suis un bon président ! Si je me représentais, je pense même que je pourrais gagner ! Mais je ne peux pas… Personne n’est au-dessus de la loi, même le président. Je vais être honnête avec vous. J’ai une vie après la présidence’’, sensibilise le président américain qui effectue alors son second mandat à la Maison-Blanche.

Ce discours prononcé trois ans après l’arrivée au pouvoir de Macky Sall décrit pourtant ce qu’est en train de vivre le Sénégal en 2023. L’ancien sénateur de l’Illinois alertait déjà : ‘’Lorsqu’un dirigeant essaie de changer les règles au milieu de la partie pour rester en poste, il s’expose à l’instabilité et à la discorde. La démocratie n’est pas seulement la tenue d’élections. Quand des journalistes sont emprisonnés parce qu’ils ont fait leur travail ou des activistes parce qu’ils ont défendu leurs idées, vous avez peut-être une démocratie sur le papier, mais pas en substance.’’

Les rapports ‘’épinglant’’ le régime se multiplient

Ces complaintes ont été dénoncées hier lors du rassemblement du F24, une plateforme regroupant des organisations politiques et de la société civile. Un rapport du think tank Afrikajom Center, intitulé ‘’Le Sénégal : un modèle démographique en déclin’’, dénonce de graves reculs démocratiques dans le pays. Le Sénégal a perdu une trentaine de places dans le dernier classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse. Amnesty International, Human Rights Watch…  

Avant Barack Obama, le président de la République française avait tenu la même posture à l’endroit du chef de l’État sénégalais. Emmanuel Macron aurait également tenté de dissuader Macky Sall, si l’idée lui venait de tenter un troisième mandat, d’y renoncer. À la place, une carrière internationale très intéressante pourrait s’offrir à lui.

Macky  Sall, un profil parfait pour une carrière internationale

En effet, son passage à la tête de l’Union africaine en 2022 a été salué comme une grande réussite. Son successeur à la tête de cette institution, Azali Assoumani, président de l'Union des Comores, l’a d’ailleurs bien souligné : ‘’Il ne sera pas facile de lui (Macky Sall) succéder, mais je ferai de mon mieux pour poursuivre son travail et, entre autres, en privilégiant, comme il a toujours su le faire, le dialogue, l'écoute et le rassemblement, conditions indispensables pour faire ce mandat celle de la réussite de notre continent.’’

Au plan mondial, son plaidoyer pour l’acquisition de vaccins contre la Covid-19, les moratoires sur la dette africaine, son intervention sur la libération des céréales et les engrais coincés dans le conflit russo-ukrainien, l’implantation d’agences de notation africaine, etc., sont autant de cordes qui peuvent s’ajouter à son arc. Aussi, il se murmure que Washington et Paris souhaiteraient faire du président sénégalais un symbole de lutte contre le troisième mandat en Afrique de l’Ouest.

Encore loin de tout ça, Macky Sall maintient le flou sur ses intentions en se réfugiant derrière son fameux ‘’ni oui ni non’’. Toujours selon les informations d’Africa Intelligence, le président sénégalais invoque le contexte régional instable (terrorisme, coups d’État militaires) et le désir de chefs d’État de la sous-région de le voir continuer  à la tête du pays. Le troisième mandat du président ivoirien Alassane Ouattara est-il un bon exemple ? L’homme fort d’Abidjan n’avait pas en face de lui un opposant aussi populaire qu’Ousmane Sonko, le principal adversaire de Macky Sall.

Le président sénégalais se réfugie derrière le contexte sous-régional

Depuis plusieurs mois, l’équipe autour du président ne cache plus son intention de voir Macky Sall tenter un troisième mandat. S’il a invité à un dialogue autour de la situation politique et sociale du pays, certaines indiscrétions suggèrent qu’il attend les conclusions pour officialiser sa candidature. À moins que la communauté internationale l’en dissuade.

Lamine Diouf

 

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