Publié le 30 May 2012 - 18:41
WADE - MBOW

La guerre à distance

 

Entre l'ancien président sénégalais et l'ex-Directeur général de l'Unesco, la guerre a été autant rude que feutrée ces trois dernières années. Alors que Wade était engagé dans une dynamique de conservation du pouvoir pour cinquante ans, Mbow posait, à travers les Assises nationales, des jalons qui allaient conduire à sa chute.

 

Si en politique, Me Abdoulaye Wade, ancien président de la République et Amadou Makhtar Mbow, ancien directeur général de l’Unesco, partagent la même trajectoire d’opposant, côté style en revanche, tout sépare les deux hommes. Le premier est présenté comme un animal politique sans état d'âme et qui, au besoin, n’hésite pas à tuer ses «fils». Le second, lui, est considéré comme moins joueur, plus sage, moins vindicatif. Traité de «chef de l’opposition» par Me Wade pour avoir conduit les Assises nationales, M. Mbow semble aujourd’hui prendre sa revanche sur son détracteur. La chute du régime libéral, le 25 mars 2012, apparaît comme l’aboutissement d’un long et dur combat soutenu par les Assises nationales à partir de 2008. Sans fanfaronnade, l’ancien Directeur général de l’Unesco se veut la vigie du nouveau régime. Son patriarche attitré, même s'il ne le revendique pas.

 

Vendredi dernier, alors que l’ancien chef de l'Etat tenait une conférence de presse pour régler des comptes et rappeler qu'il n'est pas encore politiquement mort, le président des Assises nationales partageait ses expériences vécues avec une partie du monde enseignant sénégalais dans le cadre du cinquantenaire de la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (FASTEF), ex-Ecole normale supérieure, dont il était le parrain. Rien de surprenant, selon l’analyste politique Mame Less Camara. D’un œil expert, le journaliste et formateur au CESTI tente la comparaison entre ces deux «papys». «Amadou Makhtar Mbow a une longévité phénoménale en politique. Il est co-fondateur du PRA-Sénégal et a eu a un passé d'opposant avant de devenir ministre sous Senghor. Il partage ce parcours avec Abdoulaye Wade. Tous les deux sont des enseignants». Mais là s’arrêtent très vite les similitudes. M. Mbow a la particularité, poursuit-il, d’avoir dirigé «l’une des plus prestigieuses institutions de l'Organisation des Nations-unies» qu’est l’Unesco et ce, pendant plusieurs années, en dépit de «la farouche opposition des Américains qui ne voulaient plus de lui à la tête de l’UNESCO». «Mbow s’est opposé au Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication», explique Mame Less Camara. «Alors, les Etats-Unis ont asphyxié l’institution en la privant des 50% de son budget.» La situation l’oblige finalement à quitter l’UNESCO en 1987 pour s’installer au Maroc où il donnait des cours.

 

 

Wade, le goût de la providence

 

En 2008, M. Mbow sera «dérangé» de sa quiétude par les partis politiques de l’opposition d’alors réunis autour de Benno Siggil Senegaal pour venir présider les Assises nationales. Un pari osé, mais cet ancien ministre de l’Éducation relèvera le défi. «Il a réussi de manière extraordinaire à réunir les organisations de la société civile, les syndicats, les partis politiques autour d’une même plate-forme. C’est un fédérateur qui veut faire avancer son pays», indique M. Camara.

 

Tout le contraire de celui qui a été surnommé «Pape du Sopi» et qui, selon le journaliste-formateur, a toujours été dans une «posture d’homme providentiel». «Abdoulaye Wade a toujours voulu être au sommet, dit-il. Il pense qu’il est le seul à pouvoir réaliser les projets qu’il a pour le Sénégal.» Ce caractère mégalomaniaque de Me Wade a d’ailleurs déteint sur le fonctionnement du Parti démocratique sénégalais, selon Mame Less Camara. «Le Pds est un parti de foule et non un parti d’intellectuels. Abdoulaye Wade a toujours exigé que tout le monde se soumette à ses idées. Ce qui fait qu’il n'y avait pas de cadres. Des gens comme Fara Ndiaye qui voulaient poser des débats d’idées étaient écartés. Il ne restait que des gens comme Pape Diop, qui à cause de leur rôle dans le parti, étaient promus à des positions de rente». Conséquence : «En 2000, Wade était obligé d’aller chercher des gens du Parti socialiste pour les recycler.»

 

C’est à ce niveau qu’il faudrait peut-être aller chercher les raisons des rapports heurtés entre Me Wade et M. Mbow. Selon Mame Less Camara, le fait que le président des Assises nationales ait eu «un parcours prestigieux au niveau international» suscite un certain «complexe» chez Me Wade. «Cela montre qu’il n’a pas eu une diplomatie à la hauteur de celle de Senghor et de Diouf» durant ses 12 ans de règne. Pire, l’ex-président de la République n’a pas toujours aimé voir des représentants de l'élite sénégalaise à la tête d'institutions internationales. C’est le cas de Moussa Touré, ancien président de la commission de l’Uemoa, de Jacques Diouf, ancien Directeur général de la FAO, même si ce dernier à pu résister. Sans oublier son prédécesseur Abdou Diouf, secrétaire général de l’OIF dont il avait menacé le mandat d’un veto.

 

DAOUDA GBAYA

 

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