Publié le 20 Feb 2012 - 10:50
PLACE DE L'INDEPENDANCE

Un champ de tirs, le temps d'un samedi après-midi

11 heures 30 à la place de l'Indépendance de Dakar. L'endroit est calme. Chacun vaque à ses occupations. La manifestation annoncée à 11 heures n'a pas encore débuté, mais les forces de l'ordre ont déjà pris les devants. La place est infestée de policiers. Il est formellement interdit de se regrouper au sein de la place. Même de s'asseoir sur les bancs publics. Mot d'ordre : circulez et traversez. A cette heure, peu de journalistes étaient sur place. Un vent frais souffle sur cet endroit. A 12h, un des membres du M23 annonce à la radio que la manifestation se tiendra à 15 heures. Ayant eu vent de ces informations, la police se réorganise. Deux pick-up remplis de policiers arrivent sur les lieux. Le temps passe et jusque-là pas un signe de manifestation. Les journalistes arrivent petit à petit et poireautent. Une demoiselle le drapeau sénégalais autour du cou et tenant sur la main un tissu blanc, s'approche d'un journaliste radio pour passer une information. Selon elle, cette manifestation n'aura pas lieu et elle en a parlé aux organisateurs qui lui ont donné le feu vert. Quelques minutes après, les membres du M23 démentent cette information.

 

 

Ibrahima Fall, héros du jour

 

16 heures, les journalistes guettent les arrivées des leaders. C'est le début des va-et-vient entre l'avenue Mouhamed V (ex-Albert Sarraut) et la place de l'Indépendance. Subitement, les hommes au gilet prennent la direction de la Mairie de Dakar. Dans la cour, des jeunes, hommes et femmes parés de leurs plus beaux boubous sont venus assister à un mariage. De ce groupe de personnes sort un d'entre eux. Il s'agit du candidat Ibrahima Fall. Entouré de ses gardes du corps et de ses proches collaborateurs, l'initiateur de la marche d'avant-hier discute et rigole avec ses amis le temps d'attendre le moment opportun pour sortir et rallier la place. L'arrivée de la mariée sonne comme un signal pour Ibrahima Fall qui décide de faire le grand saut. La grande porte lui est ouverte. A l'extérieur, les forces de l'ordre sont sur leurs appuis. Le chef crie à ses troupes : ''Serrez-vous! Serrez-vous!''. C'est ce dernier même qui, le premier, lance une grenade lacrymogène. L'odeur se fait sentir jusqu'à l'intérieur de la mairie et oblige les curieux à se disperser. Pourtant le candidat de la coalition Taxaw Temm avance et tente de forcer le barrage des forces de l'ordre. Ce qu'il réussit, mais se heurte à la stratégie des policiers qui le coincent sur un mur et le forcent à rebrousser chemin. De la place de l'indépendance, des tirs de grenades lacrymogènes se font entendre. C'est le cortège du candidat Idrissa Seck qui se fait lui aussi repousser par les forces de l'ordre.

 

Retour à la Mairie de Dakar. Ici, le professeur Ibrahima Fall et ses compagnons réfléchissent à la tactique à adopter pour rallier la place de l'Indépendance. Les gens venus assister à la cérémonie commentent la scène qui s'est déroulée sous leurs yeux. Nous sommes sur la rue Mouhamed V. Les limiers se préparent, car ils ont eu vent de l'arrivée d'Ibrahima Fall et de ses hommes. Un cordon se forme devant lui. Certains sont munis de mouchoirs tandis que les autres comme le leader de Taxaw Temm se protègent avec un masque à gaz. Ils avancent jusqu'à hauteur du Fast food Ali Baba où ils observent une pause avant de repartir. En face d'eux, les policiers chargent leurs lance-grenades. Le commissaire Arona Sy crie de son côté : ''Tirez! Tirez!'' Les ordres sont exécutés. Les grenades assaillent le groupe dirigé par Ibrahima Fall. Le candidat est protégé par ses gardes du corps juste à côté d'un mur sur le trottoir. Un journaliste crie à son cameraman : ''Filmez! Filmez!'' Le groupe recule et laisse derrière lui un blessé qui a reçu une grenade sur la tête. Les tirs s'arrêtent. Journalistes et badauds accourent pour voir l'état du blessé. Du sang dégouline de sa tête. Les secouristes arrivent en trombe à son chevet. Des jeunes partisans du professeur Ibrahima Fall viennent se renseigner sur l'identité du blessé et de son état. ''c'est Pa Thiam !'', crie l'un d'eux qui était déjà sur les lieux. Quid de Ibrahima Fall, un autre jeune répond : ''il est dans cette maison''.

 

La riposte des jeunes

 

C'est le moment choisi par les jeunes pour entrer en action en brûlant les tables des marchands rangées juste à côté. Un jeune vêtu d'un djellaba avec des bandes jaune et blanc crie : ''Libérez le peuple, vous ne savez pas que c'est nous qui vous payons !''. Il est retenu par un autre. Ils se mettent autour des flammes et crient encore ''Libérez! Libérez!''. Et s'ensuit l'hymne national chanté en chœur. A peine ont-ils terminé de chanter que les policiers recommencent à tirer. C'est alors, la dispersion. Les tirs sont dirigés de tous les côtés. L'air est irrespirable. On se protège par tous les moyens. Un policier demande à un journaliste de lui céder un petit espace pour qu'il puisse tirer. Moins de 10 minutes ont suffi aux forces de l'ordre pour évacuer les lieux. Une dame choquée par ce qu'elle a vu fond en larmes et crie : ''Laissons le pays en paix !'' Tout à coup, les sprinters d'un soir, les journalistes, courent tous vers la place de l'Indépendance. Il était 17 heures passées de plus d'une trentaine de minutes. Sur les lieux, un homme est à terre. Il s'agit de Cheikh Bamba Dièye qui est sorti d'on ne sait où pour réaliser ce à quoi il tenait tant. Il est entouré d'un groupe de journalistes qui tentent de lui soutirer quelques mots. Mais en vain. Il est embarqué dans une voiture 4x4 bleue. Les journalistes courent après la voiture qu'ils retrouveront juste sur l'avenue Albert Sarraut à côté de l'hôtel Croix du Sud.

 

Le camion à eau de la police arrive pour éteindre le feu allumé par les jeunes. Et débarrasser les débris de la rue par le racleur. Sur la rue parallèle à cette dernière, ce sont les gendarmes de Thionk qui demandent aux jeunes de se calmer. Ils en font de même pour les policiers. Et ceci donne courage aux manifestants qui avancent. Un d'entre eux habillé d'un pantalon jean noir et d'un T-shirt bleu qu'il enlèvera quelques minutes après, fait signe aux autres d'avancer. Son appel n'est pas tombé à l'oreille d'un sourd. Car deux jeunes avancent en roulant des pneus, mais ne trouvent pas brûleurs.

 

Les forces de l'ordre se déplacent du côté du rond-point Sandaga et font face aux jeunes manifestants qui ne changent pas de méthode. Ils continuent de brûler toutes les tables qu'ils ont à leur disposition. C'est aussi la routine chez les forces de l'ordre qui usent eux également des mêmes moyens. Juste au rond-point. Il est presque 19 heures. Sur le rond-point, les journalistes n'ayant plus rien à filmer changent même de débat. Certains étant mis au courant, les affrontements se déplacent à la Médina. Et le nombre de journalistes diminue. La nuit commence à tomber sur Dakar.

Et le calme revient petit à petit.

 

AMADOU THIAM

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