Publié le 30 May 2013 - 10:05
ENTRETIEN AVEC... RAMATA SORÉ (JOURNALISTE ET ANALYSTE POLITIQUE BURKINABÈ)

«L'initiative de l'UA sur l'affaire Kenyatta est excellente...»

Ramata Soré est une analyste politique (et journaliste) originaire du Burkina Faso. Établie en Allemagne où elle travaille pour une célèbre radio, elle a accepté, pour EnQuête, de faire un bilan du 21e Sommet de l'Union africaine qui a coïncidé avec le cinquantenaire de l'organisation continentale.

 

 

 

Après avoir suivi ce cinquantenaire de l'Union africaine, pouvez-vous nous faire l'économie du 21e sommet ?

 

Commençons d’abord par les célébrations… Celle du 25 mai dernier a été grandiose quand bien même on a eu de la pluie ! Comme on le dit souvent en Afrique, les précipitations, c’est bon signe. Ça veut dire que ça augure d’une Afrique prospère et d’une Union africaine beaucoup plus dynamique. Par rapport au spectacle, il faut néanmoins noter que c’est dommage qu’on l’ait en partie censuré parce qu’il retraçait une partie de notre histoire, des souffrances que nos peuples ont subies. Et c’est bien regrettable qu’on ait tout arrêté en posant des podiums sur scène pour permettre aux chefs d’État de faire leurs discours… Je ne dis pas qu’on ne devait pas leur donner la parole, on devait la leur donner mais on les a toujours écoutés, on a toujours le temps de les écouter. Il aurait été bien pour le peuple éthiopien de découvrir ou de redécouvrir une autre façon de penser l’Afrique car le passé est toujours utile pour le futur et pour l’avenir.

 

Des absences remarquables ?

 

On a malheureusement noté une présence très faible de l’Afrique du nord. Le seul Président que j’ai vu était l’Égyptien Mohamed Morsi. Abdelaziz Bouteflika d'Algérie est malade, même si la République arabe sahraouie démocratique (RASD) était là. C’était agréable de les avoir ici malgré la polémique avec le Maroc. Mohamed VI n'a évidemment pas fait le déplacement sur Addis-Abeba, ce n'est pas une surprise. Mais d'une certaine manière, le Maroc était présent en marge des différentes activités, en train de faire du lobbying...

 

Quand les chefs d’État s'enferment, de quoi peuvent-ils discuter à l'abri d'oreilles indiscrètes, selon vous ?

 

Il faut dire qu’il y a eu de très bonnes décisions par rapport à ce qui a lieu sur notre continent africain. Notamment concernant le dossier Uhuru Kenyatta, le nouveau président élu du Kenya. L’Union africaine a ainsi proposé de prendre une résolution proposant que la Cour pénale internationale (CPI) transfère le dossier à la justice kényane qui aura l'opportunité d'étudier le document et juger, s’il y a lieu, le Président Kenyatta qui est sur la liste noire de la Cpi depuis les événements sanglants issus de l'élection présidentielle contestée de décembre 2007. Cette initiative que je qualifie d'excellente en tant que panafricaniste entre dans la même perspective que la décision qui avait été prise pour le Président soudanais, Omar El Béchir, lui aussi recherché par la Cpi. Maintenant, le problème est qu’il ne faudrait pas que des Présidents, dans l'ombre, se laissent acheter par les puissances occidentales car on a vu Mme Joyce Banda du Malawi dire qu'elle était prête à livrer El Béchir à la Cour si elle en avait l'opportunité...

 

Autre satisfaction ?

 

Il y a la révision des objectifs du millénaire. Maintenant, les chefs d'Etat ont décidé de ne plus imposer de délais, préférant laisser à des commissions le soin de réfléchir et de voir comment atteindre ces objectifs du millénaire. Il faut aussi dire que par rapport à l'OMD, s’il y a un pays qui est toujours pointé du doigt c’est l’Érythrée, même si elle est parmi les rares à avoir atteint les buts fixés. Je pense qu'il serait bien que les autres pays africains, qui se disent beaucoup plus démocratiques et plus respectueux des droits de l’Homme, prennent aussi exemple sur ce pays-là, l’Érythrée. Car c'est un bon exemple, malgré tout.

 

La question du financement des politiques de l'Union africaine se pose encore.

 

La Commission de l’Union africaine devrait être tout à fait opérationnelle à partir de 2014, avec l'adoption d'un budget de 308 millions de dollars qui a été adopté à cet effet. Concernant ce budget, c’est le 1er à être mis en œuvre conformément au plan statistique… Selon Erastus Mwencha, qui est le vice-président de l’Union africaine, ce plan comprend huit points prioritaires dont le développement économique qui met l’accent sur la croissance, la transformation et l’intégration régionale qui sera essentiellement axée sur le commerce et le développement des infrastructures. Les autres domaines prioritaires sont les Ressources humaines, la Science, la Technologie et l’Innovation. L’agriculture n’est pas oubliée, l’environnement et les ressources naturelles, la parité du genre et la communication non plus (…) Il est à ajouter que la Paix et la Sécurité, ainsi que le développement social, économique et humain représentent 55% de ce budget-là, tandis que le renforcement des capacités et la communication en constituent 25%. Il y a un point très important à souligner, c’est que l’UA n’a réussi à mobiliser, à la date du 15 mai, qu’une infime partie de son budget…Et sur le budget prévisionnel de l’année 2013, environ 178 millions de dollars seulement avaient pu être récoltés.

 

Les Africains ne sont pas toujours de bons contributeurs...

 

Écoutez, sur les 54 pays membres de l’Union africaine, seulement 16 étaient à jour de leurs cotisations statuaires au 31 décembre 2012. Il s’agit, entre autres, de l’Algérie, de l’Angola, du Botswana, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire. (…) Or, en vertu des dispositions qui régissent le financement de l’UA et adoptées en 2006, tout pays membre qui n’aurait pas versé ses contributions statuaires depuis au moins 2 ans doit être placé sous le régime de sanctions qui lui interdit de prendre part aux votes et d’avoir des candidats au postes électifs de l’organisation... Aujourd'hui, les plus gros contributeurs sont l’Algérie, l’Afrique du Sud, l’Égypte, la Libye et le Nigeria.

 

Qu’en est-il des bruits de couloir et des coulisses?

 

J’avoue que j’ai beaucoup aimé cet engagement de la population éthiopienne qui était habillée de façon traditionnelle. Et ça, ça m’a beaucoup touché parce que cette population éthiopienne s’est mobilisée et a montré sa culture, aussi bien au niveau des tenues vestimentaires qu’au niveau des danses et de la musique. Par contre, j'ai trouvé dommage que peu de participants aient adopté les tenues traditionnelles. Mais vraiment très peu ! J’aurais souhaité qu’en ce jour de la Renaissance africaine, c’est-à-dire ce 25 mai de chaque année, nos populations, nos leaders donnent l’exemple en s’habillant de façon traditionnelle… Ce serait un signe d'encouragement pour montrer qu'on consomme africain, qu'on s’habille africain et qu'on respire africain.

 

Il se dit que beaucoup d'argent a été dépensé pour les festivités du cinquantenaire.

 

Oui, et il y a eu beaucoup de mécontents. On parle de 3 millions de dollars (1,5 milliard de francs Cfa) injectés dans cet événement. Les gens estiment que cette somme aurait pu servir plus utilement ailleurs à une période où le continent est en crise et que les populations avec lesquelles l’Union africaine dit vouloir interagir ont des difficultés, notamment en Rdc, au Mali, en Libye...

 

PAR SOPHIANE BENGELOUN (ENVOYÉE SPÉCIALE EN ÉTHIOPIE)

 

 

 

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