Publié le 12 Jun 2019 - 19:16
SCANDALE PETROLE ET GAZ

La République dans la rue

 

Le moins que l’on puisse dire est que Abdoul Mbaye et Thierno Alassane Sall, respectivement ancien Premier ministre et ministre en charge de l’Energie, donc au fait des activités de l’Etat à l’époque, ne se cachent pas derrière le secret d’Etat. A l’occasion de la conférence de presse, hier, du Congrès de la renaissance démocratique, ils ont libéré des cafards dans la rue publique.

 

D’abord, à en croire Thierno Alassane Sall, qui a lu la déclaration liminaire de la conférence des leaders, l’empressement du président Macky Sall à faire la lumière sur les conditions d’établissement de ces contrats était motivé par les soupçons d’implication de Karim Wade dans ce dossier et le désir de constituer le maximum de charges contre lui.

Toutefois, à l’arrivée, on a comme l’impression que c’est l’arroseur qui a été arrosé. Pour M. Sall, l’ensemble du Conseil des ministres ignorait qu’une enquête était en cours, dans ce dossier. ‘’A l’exception, dit-il, de quelques initiés, au premier rang desquels Macky Sall, Président de la République, Abdoul Aziz Mbaye, Ministre, Directeur de cabinet du président, Aly Ngouille Ndiaye, Ministre de l’Energie’’.

De plus, informe toujours l’ancien ministre, ‘’le président Macky Sall était indubitablement, régulièrement tenu informé des développements de la mission de l’Ige, conformément à la pratique sur des dossiers aussi sensibles impliquant un ancien chef d’Etat et un ancien ministre d’Etat contre lequel se préparait une mise en accusation. En conséquence, le président Macky Sall, Aly Ngouille Ndiaye et Abdoul Aziz Mbaye savaient que les informations mentionnées sur le rapport de présentation étaient fabriquées de toutes pièces pour faire approuver des contrats’’.

Selon lui, le rapport de présentation du décret introduit un fait nouveau par rapport au dossier tel que l’avait laissé le régime précédent. Il s’agit de la présentation de Petro-Tim Ltd comme une filiale de Petro Asia Resources Ltd. ‘’Ce qui est totalement faux’’, affirme le président de la République des valeurs. Il en veut pour preuve le fait que cette dernière a été créée sous le n°1713823, avec un capital de 10 000 Us$ (5 000 000 F Cfa) à Hong Kong le 6 mars 2012, soit après la signature des contrats de recherche et de partage de production (Crrp) et a pour unique actionnaire, à l’exception d’une action premium, M. Wong Joon Kwang, détenteur d’un passeport singapourien. ‘’La précipitation à faire approuver par le Conseil des ministres les deux contrats procède d’une ruse consistant en une course contre le dépôt du rapport définitif de l’Ige pour pouvoir dire : ‘On ne le savait pas.’ Ils semblent d’ailleurs avoir aujourd’hui décidé d’étouffer le rapport, car, pour eux, il n’aurait jamais existé’’, fait-il savoir.

Un renouvellement ‘’inacceptable’’

Comme pour enfoncer le clou, il poursuit que, un an après avoir pris connaissance du ‘’rapport étouffé de 2012’’, le président de la République avait signé deux décrets prolongeant la période initiale de recherches pour les deux blocs : Saint-Louis et Kayar. ‘’C’est extrêmement sérieux et grave, car, en dépit du ‘’rapport étouffé de 2012’’, reçu un an auparavant, il signe et persiste à maintenir la société Petro-Tim dans les blocs Slo et Kop’’. Le pire, selon lui, est que cela a été fait sans que Timis n’ait réalisé les obligations afférentes à la première signature. Conséquences directes : jusqu’en 2016, Franck Timis est dans l’impossibilité de remplir ses engagements envers le Sénégal.

Thierno Alassane Sall, alors ministre de tutelle, dit alors avoir suggérer le retrait de ses droits, moyennant le paiement de ses frais éventuels. Il liste les griefs : Timis Corp, à l’en croire, ne participait à aucune des réunions techniques relatives aux travaux d’exploration en cours pour apporter sa contre-expertise et ses analyses. Aussi, il n’a pas pu honorer ses engagements financiers relatifs à la poursuite des travaux d’exploration et de forage, une fois épuisés les montants correspondants aux 60 % cédés à Kosmos. Aussi, Timis Corp s’est retrouvée devoir à Kosmos 15 millions de dollars pour des travaux, avec des risques de devoir céder une partie de ses actions. Enfin, les dépenses totales décaissées directement par Timis en avril 2017 se chiffraient à 4 millions de dollars dont la nature exacte restait à définir pour s’assurer que ces dépenses pouvaient être retenues comme coûts liés aux opérations pétrolières. 

Quand l’ancien ministre de l’Energie confirme Bbc

Par son exposé, TAS est revenu plus amplement sur les informations relevées par la chaine anglaise. Et en tant que témoin privilégié, il faut juste souligner que son témoignage est accablant. ‘’Thierno Alassane Sall, n’ayant pas été soutenu (dans sa volonté de retirer les droits à Timis) s’est, en conséquence, opposé à la transaction conclue entre Timis Corp et Bp à lui soumise au mois d’avril 2017’’. Cette transaction, selon lui, comportait les éléments suivants : paiement de 250 millions de dollars Us (137 milliards de francs Cfa) une semaine après l’approbation ; paiement de 25 millions de dollars Us supplémentaires par puits en cas de découvertes supplémentaires d’hydrocarbures lors des opérations de forage envisagées sur les deux blocs de Sop et Kop, à concurrence de deux puits maximum ; paiements, durant la durée de vie du projet, de redevances ou royalties selon un pourcentage non explicité dans l’accord soumis à l’approbation du ministre et objet d’un accord tenu secret.

‘’Cette clause secrète, contraire aux textes en vigueur, et qui ouvre la voie à des paiements sur 40 ans à d’autres entités contrôlées par d’autres personnes que Frank Timis, est le nœud de l’opacité’’, affirme Thierno Alassane Sall.

Et invite Boun A. Dionne dans le dossier

Selon les propos de M. Sall, ladite transaction entre Frank Timis et Bp a finalement été validée par les deux plus hautes autorités de l’Exécutif, Macky Sall et Mahammed Boun Abdallah Dionne. ‘’Elle sera approuvée en mai 2017 par le ministre de l’Energie Mahammed Boun Abdallah Dionne installé dans ces fonctions pour la cause. C’est cette approbation qui a rendu possible le paiement des 137 milliards F Cfa ou 250 millions dollars, depuis mai 2017. 

‘’Ce paiement de Bp à Timis est la contrepartie d’un échange des 30 % de droits illégalement acquis de Timis sur les blocs Saint-Louis et Kayar, transaction qui, en aucune façon, ne saurait être liée aux investissements dans les opérations pétrolières très clairement définies dans les Crrp.

Pourtant, cette transaction a été jusqu’ici tenue secrète par le gouvernement du Sénégal et les taxes que le Trésor public devraient collecter n’ont jamais été  mentionnées dans la loi des finances comme telles’’.

Pour les membres du Crd, cela n’est ni plus ni moins que de la ‘’haute trahison, impliquant Macky Sall ainsi que l’ensemble des ministres, fonctionnaires et responsables de sociétés publiques qui ont pu contribuer à la commission de tels actes, en particulier Mahammed Boun Abdallah Dionne.

La conférence des leaders s’engage ainsi à prendre les initiatives appropriées pour le triomphe de la vérité.

MOR AMAR

 

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