Tir groupé de l'opposition sur le pouvoir

Malgré un léger changement d'itinéraire imposé par l'autorité, la marche du Front pour la Défense de la République et de la Démocratie (FDR) s'est bel et bien tenue ce vendredi. Allant de Score Liberté 1 sur l'avenue Bourguiba au Rond-point Jet d'eau, elle a mobilisé toutes les forces vives de l'opposition.
À une semaine du tera meeting de Pastef, l'opposition a déjà eu droit à sa méga marche. Regroupés autour du FDR avec l'Alliance pour la République comme figure de proue, les opposants en ont montré de toutes les couleurs au pouvoir en place. « Libérez Farba », « Libérez les détenus politiques », « Non au musellement de la presse » : les pancartes brandies le long de la marche avaient déjà donné le tempo de ce qu'allait être cette date du 31 octobre.
« Toutes les personnes averties savent que le Sénégal traverse des difficultés. L'économie est à l'arrêt, notre pays se déconstruit. Trente mille employés ont été licenciés simplement parce qu'ils ne sont pas membres du parti Pastef. On a trompé les Sénégalais », a martelé le coordonnateur du Front pour la Défense de la République et de la Démocratie (FDR), Samba Sy.
Dans sa prise de parole, M. Sy n'a pas omis de regretter toutes les promesses que le tandem semble avoir oubliées. « Ces nouvelles autorités n'ont pas respecté leurs engagements : la suppression des fonds politiques, la rationalisation des agences de l'État, les 8 milliards promis aux sinistrés de la vallée du fleuve, ou encore l'abrogation de la loi d'amnistie. Où en sommes-nous ? Ce régime est bâti sur une imposture et procède d'une incompétence avérée », a-t-il dénoncé.
Face à cette situation, le coordonnateur du FDR a lancé un appel à l'unité des leaders de l'opposition pour, selon lui, sauver le pays d'une dérive politique et économique. « Ce qu'on doit faire maintenant, c'est nous mobiliser pour faire face à ce régime », a-t-il ajouté. Sur ce même élan de consolidation des rangs face au Pastef, l'ancien ministre du Travail n'a pas oublié le rôle essentiel des militants et sympathisants. Il leur a rendu hommage en magnifiant leur démonstration de force. « Je salue la belle mobilisation en réponse à l'appel du FDR, y compris les mouvements qui ne sont pas membres du Front mais qui sont venus en masse. Même si nous exprimons notre gratitude, sachez que c'est votre devoir d'agrandir les rangs », a souligné M. Sy devant une foule arborant drapeaux nationaux, pancartes et écharpes en bandoulière.
Une valse d'indignations
Outre le coordonnateur du Front, les représentants des différentes formations politiques se sont succédé au pupitre pour dire stop. Selon Omar Youm, Abdou Mbow, Abdoulaye Willane et consorts, la direction empruntée par le gouvernement depuis bientôt deux ans s'est révélée infructueuse.
Le Parti socialiste dresse ainsi un tableau sombre de la gestion pastefienne. « Ça ne sent pas bon. Les entreprises coulent sous l'effet des initiatives du régime. Les libertés sont menacées, les droits fondamentaux remis en cause. On nous parle même de Parti-État. La flambée des prix des denrées de première nécessité est incontestable. C'est pourquoi nous avons voulu cette marche citoyenne ouverte à toutes les forces vives », a insisté le porte-parole du PS, Abdoulaye Wilane.
Le Jëf Jël de Talla Sylla a quant à lui saisi cette audience pour inviter la mouvance présidentielle à privilégier le débat d'idées. « Nous refusons le piège des attaques personnelles. Ramenons le débat là où il doit être : sur vos préoccupations réelles. Notre pressing est celui du peuple, dans les marchés, pas dans les salons », commente l'ancien maire de Thiès. Talla Sylla se présente en force de proposition : « Face à chaque échec du pouvoir, nous occupons l'espace avec des solutions alternatives crédibles. C'est le sens de notre "Jëf Jël". »
Pour Cheikh Oumar Hanne de la Nouvelle Responsabilité, les forces opposantes doivent se mobiliser autour de l'essentiel : « Le Sénégal est prêt ; il ne reste que l'opposition pour lui apporter son soutien. Ce gouvernement n'y peut rien : on va vers la banqueroute. Soyons unis pour qu'il perde les élections. »
La déclaration la plus explicite est venue de Mamadou Lamine Massaly, président de l'Union pour une Nouvelle République : « Cette mobilisation symbolise la libération du peuple. Si Sonko et Diomaye veulent la paix, nous sommes patients. Mais s'ils choisissent une autre voie, ils nous trouveront sur leur chemin. »
Le satisfecit de l'APR
Pièce maîtresse du FDR, l'APR a jugé nécessaire de réagir au lendemain de cette manifestation. Selon le parti du président Macky Sall, les manifestants se sont mobilisés pour exprimer leur opposition à la vie chère, aux atteintes aux libertés démocratiques et à ce que l'opposition qualifie d'« arrogance d'État ».
Dans une déclaration publiée ce dimanche après-midi, l'Alliance pour la République (APR) a salué le succès de la mobilisation, y voyant la preuve d'une unité renforcée de l'opposition et d'un affaiblissement continu du gouvernement.
Le FDR appelle à la poursuite de la mobilisation nationale et dans la diaspora, l'objectif étant de « vaincre ce régime aux prochaines échéances électorales ». En sus, l'ancienne mouvance présidentielle invite à la préservation des acquis. « Le Sénégal, notre pays, doit rester une démocratie modèle, un État de droit respecté de par le monde et un État protecteur, sans discrimination, des droits de tous ses citoyens ».
Une marche bien encadrée
Cette marche pacifique du FDR l'a été du début à la fin. Aucun heurt, aucun débordement n'est à regretter. Si la manifestation reste une réussite sur ce point précis, c'est parce que les forces de l'ordre ont pleinement joué leur partition.
Du point de départ au Rond-point Jet d'eau, les manifestants ont été escortés le long du trajet. Au point de chute, pas moins de cinq fourgonnettes ont pris le relais pour assurer la sécurité des personnes et des biens, le temps que le mouvement d'humeur du Front prenne fin.
MAMADOU DIOP







