Publié le 18 Jul 2019 - 03:40
KHALIL AOUDI, ARBITRE INTERNATIONAL A LA RETRAITE

‘’Il n’y a pas de penalty, sur la main de Gana’’

 

L’arbitrage durant la Can a fait couler beaucoup de salive et d’encre. Et la venue de la Var, en quarts de finale, n’a pas pour autant éteint la polémique. Selon l’ancien arbitre international sénégalais Khalil Aoudi, ces réactions, même si elles sont normales, dénotent d’un manque de fair-play de la part des différents acteurs du football. Ancien président de la Commission régionale des arbitres de Diourbel et chargé des affaires arbitrales des Lions en 2002, M. Aoudi est défavorable à l’introduction de la Var dans l’arbitrage du football.

 

Comment appréciez-vous le niveau de l’arbitrage, depuis le début de la Can ?

L’arbitrage se passe bien, depuis le début de la compétition. A part quelques erreurs, les arbitres se comportent bien. Ils ont une bonne condition physique et, psychologiquement, ils sont bien. J’ai beaucoup apprécié leurs prestations.

Pourtant, il y a beaucoup de contestations par rapport aux décisions arbitrales, de la part des différents acteurs, dans cette Can…

C’est normal ! Au football, il y aura toujours des contestations. Aucun arbitre n’est parfait, aux yeux des équipes et des supporters. Il y a eu parfois des hors-jeux ou penalties inexistants sifflés, des hors-jeux ou des penalties existants, mais non sifflés. C’est normal que les gens contestent. Mais je constate que le fair-play n’existe plus. Quand il y a une défaite, les gens pointent du doigt l’arbitrage, alors qu’ils devaient voir les occasions qu’ils ont manquées, ce qui n’a pas marché tactiquement. Quand une équipe perd, c’est toujours l’arbitre. Il faut l’accepter ainsi.

La Caf avait désigné l’Algérien Mustapha Ghorbal pour officier les matches Ouganda-Sénégal, en huitièmes de finale et Sénégal-Bénin en quarts de finale. Est-ce normal de faire officier à un arbitre deux matches successifs où il y a la même équipe ?

Vous avez vu, ce que les Sénégalais craignaient de l’arbitre algérien, rien de tout cela ne s’est passé. Contre le Bénin, l’arbitre a fait un excellent match, l’équipe a gagné. Je vais vous raconter des choses que j’ai vécues, quand j’étais dans la délégation de l’équipe du Sénégal, lors de la Coupe d’Afrique 2002, au Mali. Je gérais tout ce qui était en rapport avec l’arbitrage, du début jusqu’à la fin de la campagne. La Caf ne désigne pas les arbitres la veille du match, mais la programmation est faite dès le début du tournoi.

Donc, la Caf ne savait pas que c’est le Sénégal qui allait jouer ces matches en huitièmes et en quarts de finale. En 2002, au Mali, l’arbitre italien (Domenico Messina, Ndlr) était au sifflet, lors du match contre la Tunisie (0-0, comptant pour la 3e journée de la poule D). Il avait sifflé un penalty indiscutable contre le Sénégal et avait expulsé Pape Sarr. Pendant les quarts de finale, c’est le même arbitre italien que la Caf avait désigné pour officier le match Sénégal-Rd Congo. Les dirigeants sénégalais avaient crié au scandale, disant que ce n’est pas normal. J’ai discuté avec le président Souris (Malick Sy) et réussi à calmer tout le monde. L’arbitre a fait un excellent arbitrage et le Sénégal a gagné (2-0). Ce jour-là, l’arbitre a expulsé deux joueurs congolais et personne n’a plus parlé de l’arbitrage. C’est un fait que j’ai déjà vécu en 2002 au Mali.

Donc, cela ne me surprend pas et c’est logique.

La Var a été introduite, lors des quarts de finale de la Can. Comment analysez-vous l’introduction de la technologie dans l’arbitrage du football africain ?

En tant qu’ancien arbitre international, je n’aime pas du tout la Var. Je suis plutôt d’accord pour le goal-line, qui informe l’arbitre si la balle a entièrement franchi ou pas la ligne de but. Mais avec l’assistance vidéo à l’arbitrage, l’arbitre devient comme un robot. Il est téléguidé ; pour tout ce qui se passe sur le terrain, les joueurs lui demandent d’aller voir la vidéo. Je suis contre la Var.

A votre avis, la Var n’apporte-t-elle pas de plus-value à l’arbitrage africain ?

Il arrive, des fois, qu’il y ait un penalty indiscutable que l’arbitre ne siffle pas, ou un hors-jeu sur un but que la Var permet d’éclaircir. Des fois, c’est important. Mais cela devient trop programmé dans l’arbitrage. Maintenant, les arbitres, on dirait qu’ils dépendent de la Var. Et ce n’est pas bien. J’aurais aimé qu’on le laisse à sa guise, s’il doute de quelque chose, de demander à visionner la vidéo. Actuellement, on dirait que la Var oblige les arbitres à prendre une décision. C’est dommage pour le football.

On peut donc dire que les arbitres perdent leur liberté d’appréciation, quand on voit l’Ethiopien lors du match entre le Sénégal et la Tunisie revenir sur sa décision, sur la faute de Gana Guèye ?

Je félicite d’ailleurs l’arbitre éthiopien Bamlak, avec l’Algérien Ghorbal et le Gambien Bakary Gassama. Voilà les trois arbitres qui m’ont donné une forte impression et que j’ai beaucoup aimés dans cette Can. En ce qui concerne la faute de Gana contre la Tunisie, en tant qu’arbitre, je n’aurais jamais sifflé un penalty. C’est le ballon qui va vers la main. A mon avis, il n’aurait jamais dû siffler ce penalty. Mais il a eu le courage de revenir sur sa décision. Malheureusement, il y a une erreur d’interprétation. Le règlement de la Fifa dit maintenant qu’il n’y a plus de faute volontaire ou involontaire. Quand le ballon touche la main, c’est un penalty. Or, il y a un point du texte qui dit aussi, si le ballon vient du partenaire, il n’y a pas penalty. C’est à ce niveau qu’il y a un problème. Les arbitres ne savent plus sur quel pied danser.

Vous pensez que ces changements du règlement ont créé des confusions aux niveaux des arbitres ?

Effectivement, cela a créé beaucoup de confusions chez les arbitres. Ce n’est pas tellement clair. Mais ce n’est pas un penalty, à mon avis. Par contre, sur la faute de Kalidou Koulibaly, il y a bel et bien penalty, parce que le ballon allait vers les buts. Et Kalidou, involontairement, a anéanti une action de but. Voilà la différence entre les deux fautes.

Quel est votre avis par rapport à la suspension de Koulibaly qui a cumulé deux cartons jaunes en huitièmes et en demi-finales ?

En tant que supporter des Lions, j’aurais aimé que la Caf annule ce carton pour que Kalidou puisse jouer la finale. Malheureusement, le règlement c’est le règlement et c’est tombé sur Koulibaly. Je ne sais pas si la Caf prendra une autre décision ou non.

LOUIS GEORGES DIATTA

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