Publié le 17 Feb 2013 - 18:40
LITTERATURE

L'anthologie de la nouvelle littérature africaine

 

 

Michel Le Bris et Alain Mabanckou sont les co-directeurs de l’édition congolaise du festival littéraire Etonnants voyageurs, qui se tient en ce moment à Brazzaville. « L'Afrique qui vient », l’anthologie qu’ils publient pour l’occasion, donne à lire la carte de la nouvelle Afrique littéraire. Des textes qui racontent les heurs et malheurs de l’Afrique émergente.

 

« L'Afrique qui vient » est le thème du festival Etonnants voyageurs qui s’est ouvert à Brazzaville le mercredi 14 février. Il est aussi le titre de l’anthologie que les deux co-directeurs de cette édition congolaise d’Etonnants voyageurs, Michel Le Bris et Alain Mabanckou, viennent de publier pour présenter les promesses de la génération littéraire africaine montante. 26 textes - nouvelles, récits, essais et pièces de théâtre -, qui disent le tumulte et le chaos, mais aussi la vitalité des imaginaires en transition.

 

Ecrire le tumulte du « post-post » colonial

 

La lecture est édifiante, tant pour les amateurs que pour les connaisseurs. Car ce volume n’est pas une anthologie africaine comme les autres. Il innove en prenant le parti de rassembler l’Afrique littéraire dans son ensemble, faisant fi des barrières linguistiques héritées de la colonisation, qui ont longtemps séparé de manière artificielle les anglophones de leurs confrères francophones, lusophones et autres arabophones. Ainsi l’Egyptien Alaa al-Aswani cohabite dans ces pages avec la Camerounaise Léonora Miano, le Djiboutien Abdourahman Waberi avec le Kényan Binyavanga Wainaina, le Mozambicain Mia Couto avec le Nigérian Teju Cole… Pour ne citer que ceux-là !

 

Autre particularité de ces auteurs : ils sont nés pour la plupart après l’indépendance. Ce sont « les enfants de minuit » de l’Afrique, pour citer le titre du beau roman qui a fait connaître Salman Rushdie. Tout comme les romanciers indiens qui sont arrivés sur le devant de la scène à la suite de Rushdie, la plupart des auteurs africains représentés dans cette anthologie n’ont pas connu la colonisation. Aussi, donnent-ils à voir une Afrique confrontée à ses propres démons, avec une sensibilité résolument post-coloniale, voire même « post-post »...

 

« Nés après l’indépendance, ils ont grandi, écrivent le duo Le Bris et Mabanckou, dans le cauchemar des génocides, sous le joug des dictatures, contraints souvent à l’exil. Le génocide de 1994 au Rwanda aura été un tournant : la fin de l’innocence, des paradis perdus, des discours seulement victimaires quand l’Afrique découvre sa capacité à s’autodétruire. »

 

Les textes réunis dans l’anthologie L’Afrique qui vient traduisent ce glissement historique à travers l’affirmation de nouvelles sensibilités et de nouvelles thématiques. « Le nouvel espace romanesque africain n’est plus, sur place, celui du village, de la répétition du discours anticolonialiste, du mythe d’une Afrique à retrouver, de la tradition mais celui tout à la fois de l’exil et de la ville, monstrueuse, hybride, tentaculaire, où s’expérimentent également, d’une autre manière, métissage et multiculturalisme, où se met en place un univers créole. »

 

Ville, créolisation et autres motifs

 

Le thème de la ville, hybride et en cours de créolisation, est au cœur des quelques-uns des textes les plus marquants de ce recueil. L’histoire de la créolisation en marche dans l’Afrique contemporaine où souffle comme partout ailleurs le vent de la globalisation, reste encore à écrire. C’est dans cette entreprise audacieuse que s’est lancée la Belge néerlandophone Lieve Joris, connue pour ses livres de voyage au Congo. Son récit s’intitule Afrique et Asie : l’histoire d’une rencontre. Il raconte les Africains en Chine et l’arrivée des commerçants indiens dans le Congo profond dont les Belges furent pendant longtemps les seuls étrangers à fouler la terre.

 

Joris note avec pénétration le désarroi des voyageurs face au paysage et aux comportements nouveaux, les liens qui se tissent malgré les différences entre nouveaux arrivants et autochtones. « En tant qu’Européenne, explique Joris, descendante d’un peuple qui colonisa l’Afrique, être témoin des relations entre des peuples qui n’ont pas d’histoire coloniale en commun est une expérience singulière. »

 

Léonora Miano raconte, elle aussi, les heurs et malheurs la créolisation. Son histoire, intitulée simplement « Palma-Christi », met en scène les angoisses d’une mère européenne désemparée à l’idée de ne pas savoir quels soins prodiguer à la chevelure ample et frisée de la petite fille africaine qu’elle vient d’adopter. Trouvera-t-elle son bonheur au salon afro de la gare du Nord de Paris, où elle débarque à l’improviste et appelle à l’aide ? Sous la plume de la Camerounaise, la rencontre entre la mère et la coiffeuse devient une métaphore éloquente de la passerelle que la société tente de jeter sur l’abîme de la différence. Un abîme qui ne cesse de se creuser, menaçant les fondements même de la vie en communauté.

 

On découvrira aussi avec bonheur dans ces pages une pléiade d’écrivains de langue anglaise, encore insuffisamment connus dans le monde francophone. Ils ont pour nom Chimamanda Adichie, Helon Habila, NoViolet Bulawayo, Brian Chikwava, Teju Cole, Noo Saro-Wiwa, Kopano Matlwa, Niq Mhlongo. Ils sont de Johannesburg, de Lagos, de Harare, mais aussi de Londres ou de New York où certains de ces auteurs se sont exilés.

 

Ce sont les héritiers des Achebe et des Soyinka, dont ils perpétuent l’esprit et le talent riche en sarcasmes et questionnements, à travers des récits qui sont résolument ancrés dans les enjeux du monde globalisé. Et dans ceux de cette « Afrique qui vient, surprenante, inquiétante, fascinante » que leurs protagonistes, hauts en couleur et revenus de tout, tentent douloureusement d’accoucher.

 

RFI

 

 

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