DPG, vendredi 13 septembre
Le Sénégal est une fois de plus en proie à une intense effervescence politique, alors que la date de la déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Ousmane Sonko, initialement fixée au 11 septembre par l’Assemblée nationale, a finalement été décalée au 13 septembre par le président de la République Bassirou Diomaye Faye. Cette décision, qui s’inscrit dans un contexte politique déjà tendu, soulève de nombreuses questions sur l'avenir des institutions sénégalaises, la relation entre l'Exécutif et le Législatif, et les manœuvres politiques en cours.
Le scénario actuel entre l'Exécutif et l'Assemblée nationale au sujet de la date de la déclaration de politique générale rappelle étrangement celui observé lors de la fixation de la date de la Présidentielle de 2024. À l'époque, le Conseil constitutionnel avait fixé la date du scrutin au 31 mars, une semaine après celle du 24 mars décidée par le président Macky Sall. Cette divergence s'était résolue lorsque l'Exécutif avait pris des décrets conformes à l'exigence d'organiser l'élection avant la fin du mandat présidentiel le 2 avril.
De même, dans le contexte actuel, les députés, malgré des tensions initiales, semblent finalement se conformer à la décision du chef de l'État concernant la tenue de la DPG, prouvant une nouvelle fois que le pouvoir Exécutif reste déterminant dans la gestion des échéances politiques majeures au Sénégal. L'histoire, à bien des égards, semble se répéter.
Une décision présidentielle qui redéfinit le débat
C’est par une lettre officielle adressée à l’Assemblée nationale que le président de la République a informé les parlementaires de sa décision de fixer la date de la DPG au 13 septembre. Ce décret, signé par Bassirou Diomaye Faye et transmis au président de l'Assemblée nationale Amadou Mame Diop, a surpris plus d’un, notamment du côté de l'opposition qui s'attendait à une tenue de la déclaration le 11 septembre, comme initialement proposé par les députés.
La DPG est un moment crucial de la vie politique d'un pays où le Premier ministre présente les grandes orientations de son gouvernement, expose ses priorités et sollicite la confiance de l'Assemblée nationale. La décision de reporter cette déclaration a donc des répercussions importantes, tant sur le plan institutionnel que politique.
Le ministre du Travail Yankhoba Diémé a confirmé que la décision du président est en parfaite conformité avec l'article 97 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, qui exige un délai de huit jours entre l’information des parlementaires et la tenue effective de la déclaration.
Ayib Daffé : ‘’C’est Amadou Mame Diop qui a proposé la date du 11 septembre.’’
Selon le député de Pastef Ayib Daffé, président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, le président de la République a définitivement tranché, mettant fin à une polémique qui, selon lui, n'aurait jamais dû exister. Le report de la motion de censure semble avoir poussé la conférence des leaders de l’Assemblée nationale à fixer, de manière précipitée, la date de la déclaration de politique générale (DPG) au 11 septembre. Ils étaient pourtant conscients que cette date était en contradiction avec l’article 97 du règlement intérieur qui impose un préavis de huit jours entre la convocation de la DPG et sa tenue.
Pour M. Daffé, il n’y avait pas de véritable consensus au sein de l’Assemblée sur cette date, mais les députés n'avaient pas le choix, étant finalement contraints par la décision du président de la République. Amadou Mame Diop, président de l’Assemblée nationale, a initialement proposé la date du 11 septembre, qui fait écho aux attentats de New York, soulevant des questions sur les motivations réelles derrière ce choix, raille-t-il.
Bien que certains députés de l’opposition, notamment ceux du PDS, de Yewwi Askan Wi ainsi que des non-inscrits, aient plaidé pour le respect strict de l’article 97, la majorité mécanique de l’hémicycle a préféré imposer le vote pour le 11 septembre, dit-il.
Cependant, la réalité s'est vite imposée et le projet de motion de censure a été lui-même censuré. Désormais, la date du 13 septembre, fixée par le chef de l’État, est confirmée. Ayib Daffé a d’ailleurs précisé qu’il y aura bel et bien une déclaration de politique générale, comme inscrit dans l’ordre du jour, mettant ainsi fin à cette controverse institutionnelle.
Une crise de confiance entre les institutions
La relation entre l’Exécutif et le Législatif est au cœur de cette affaire. En fixant la date de la DPG au 13 septembre, le président Bassirou Diomaye Faye montre son autorité sur l’agenda politique du pays, malgré les tentatives des parlementaires d’imposer leur propre calendrier. La date initiale du 11 septembre, suggérée par le Parlement, avait été vite repoussée par l'Exécutif, au grand dam de certains députés de l’opposition.
Le président Diomaye Faye a pris l’initiative de fixer cette date après des échanges entre son cabinet et l’Assemblée nationale. Si cette décision est en phase avec l’article 97 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, elle n’a pas manqué de soulever des questions quant à ses implications politiques. Initialement, les députés avaient proposé que la DPG du Premier ministre Sonko se tienne le 11 septembre, une date symboliquement lourde à cause des rumeurs de dissolution potentielle de l'Assemblée nationale le 12 septembre.
Cependant, le président Faye, en tant que chef de l'État, a prérogative de fixer la date de la DPG et il a choisi de la décaler au 13 septembre, forçant ainsi la main aux députés.
Pour certains observateurs politiques, cette décision n’est pas seulement un acte administratif, mais une démonstration de force du président de la République.
Selon Amadou Ba, député de Pastef et soutien clé de Sonko, ‘’le président a clairement rappelé à tout le monde qui est aux commandes du navire Sénégal. Le fait qu’il ait pris cette décision montre qu’il tient fermement les rênes du pouvoir Législatif et Exécutif’’. Ba a exprimé cette analyse sur sa page Facebook, estimant que cette date constitue un signal fort de l’autorité présidentielle.
Toutefois, au-delà du débat sur la date précise, que ce soit le 11 ou le 13 septembre, l’essentiel réside dans le respect de la Constitution, qui doit primer sur toute autre considération. Cette intervention marque un tournant, comme l’a souligné le député Thierno Alassane Sall, connu pour ses prises de position incisives sur l’actualité politico-institutionnelle : ‘’Il était temps que le président montre qu'il est bel et bien le commandant de bord du navire Sénégal et non un simple copilote, comme certains ont voulu le faire croire. Les jours à venir nous en diront plus.’’
Un tournant politique majeur
Cette semaine a été marquée par une série de rebondissements politiques où les enjeux autour de la DPG, l'Assemblée nationale et les débats sur les dates du 11 et du 13 septembre ont dominé l'actualité, éclipsant toutes les autres thématiques. L'attention s'est focalisée sur ces développements qui pourraient redéfinir l'équilibre des forces au sein du paysage politique sénégalais.
Pour une partie de l’opinion publique, cette convocation relève d’une ‘’politique de l’autruche’’, suggérant une stratégie de contournement des problèmes de fond.
Pour sa part, le chroniqueur Madiambal Diagne espère que les députés respecteront la décision présidentielle en lui accordant la date du 13 septembre. ‘’Je ne vois pas le président tricher avec eux pour dissoudre l'Assemblée le 12 (septembre), comme l’ont laissé entendre certains partisans d'Ousmane Sonko’’, précise-t-il dans une analyse qui reflète l’incertitude ambiante.
Pire, pour une partie de l’opposition, les critiques se multiplient. Ils ont exprimé leurs doutes sur les véritables intentions du président. Pour eux, cette convocation de la DPG pourrait être une tactique pour gagner du temps avant de dissoudre l’Assemblée. Ainsi ils mettent en garde contre une ‘’manipulation du calendrier institutionnel’’ qui pourrait avoir des répercussions durables sur la stabilité politique du pays.
Cependant, pour les partisans du régime, le président Faye ne devrait pas se laisser influencer par de telles spéculations. Selon eux, il serait préférable que l'Assemblée nationale soit dissoute dès le 12 septembre, laissant ainsi Ousmane Sonko attendre la mise en place d'une nouvelle législature pour présenter sa DPG.
Si le Premier ministre se rend toutefois à l'Assemblée nationale le 13 septembre, cela pourrait simplement offrir une ultime occasion à ses détracteurs de s’en donner à cœur joie, en multipliant les provocations et les attaques personnelles, transformant la séance en spectacle, loin des préoccupations réelles du pays. Pour ces observateurs, la DPG ne les intéresserait même plus, car pour eux, une dissolution imminente les rendrait déjà politiquement obsolètes. Ils attendent donc de voir comment la situation évoluera dans les prochains jours.
Alors que la date du 13 septembre approche, les spéculations continuent d’alimenter le débat public. Pour les partisans de Sonko, cette DPG est une occasion inespérée de montrer la voie à suivre pour un gouvernement en difficulté depuis plusieurs mois. Pour d’autres, la situation politique reste trop fragile pour exclure une dissolution immédiate de l’Assemblée nationale.
Un militant de Pastef résume l’attente qui pèse sur cette journée : ‘’Si le président dissout l'Assemblée avant la DPG, ce sera un coup de théâtre qui bouleversera complètement la donne. Mais s’il laisse Sonko faire sa déclaration, ce sera une victoire pour nous et un signe que la démocratie sénégalaise reste debout.’’
La fixation de la date de la DPG au 13 septembre est loin d’être un simple détail dans l’agenda politique. Elle marque une nouvelle étape dans le bras de fer entre l’Exécutif et le Législatif au Sénégal, et pourrait bien décider de l’avenir des institutions du pays. Le président Bassirou Diomaye Faye a choisi son moment et tout le Sénégal attend de voir ce qui se passera à l’hémicycle dans les jours à venir.
Par ailleurs, certains observateurs n’ont pas manqué de relever l'ironie de la date fixée pour la DPG d'Ousmane Sonko, qui tombe un vendredi 13, une date souvent associée à la superstition. Ce symbolisme trouve ses origines dans la tradition chrétienne où Judas, le treizième convive lors de la Cène, est celui qui a trahi Jésus, menant à sa crucifixion un vendredi. Pour beaucoup, cette combinaison entre le chiffre 13 et le vendredi est devenue signe de mauvais présage.
Dans le contexte actuel de tension politique au Sénégal, certains pourraient y voir un clin d'œil au climat d’incertitude qui entoure cette déclaration tant attendue.